Chapitre 24.  De renforcement des mauvaises  conditions de ma détention

Chapitre 24.  De renforcement des mauvaises  conditions de ma détention

28 Déc, 2015

Protais-Lumbu

Texte tiré de l’ouvrage : PROTAIS LUMBU 4. «Mon apport dans le Triomphe de la démocratie multipartiste’ »

Protais-Lumbu21

Protais LUMBU MALOBA NDIBA, Président de l’UDPS. Ph. « femmefortes.com »

Le citoyen De Bongo qui nous prit à l’aéroport de Luano me mit dans l’enclos de l’AND et partit avec le fondateur Kibassa à son cachot de T2.

A son retour,  lui ayant demandé à rejoindre la résidence de mon épouse au Bel air, il me répondit que cela n’était pas possible parce que l’ordre qui venait de la hiérarchie recommandait que mes conditions de détention soient renforcées alors qu’elles devaient être allégées pour  Kibassa.

Il ressortait de l’analyse que je faisais de notre séjour à Gbadolite, que la raison n’avait été que ma ferme intervention. Ma faute avait été celle de parler avant les autres  fondateurs qui avaient pourtant presque tous souligné « qu’il était impossible de se prononcer au nom de ceux qui ne nous avaient pas donné leur mandat et que le mieux serait de laisser  le Collège des fondateurs se réunir pour statuer valablement sur ce cas.”

J’avais souligné à Gbadolite “ que ma famille luttait pour sa survie, que moi-même étais détenu dans des conditions atroces, que ma mort ou celle d’un de mes enfants pouvait intervenir incessamment, que cela n’était pas une raison pour me permettre à engager tous les membres de l’UDPS éparpillés à travers le pays et le monde en acceptant que l’UDPS n’était plus un parti.  Même au niveau du collège des fondateurs nous n’étions que quelques-uns à Gbadolite, située pourtant aux environs de la localité de Bolomba, où était assigné à résidence, le fondateur Bossassi qui n’était pas de notres ».

Me soutirant de l’enclos de l’AND,  le citoyen De Bongo me conduisit au salon de sa résidence qui était contiguë à l’immeuble administratif. J’y avais passé toutes mes journées et y avais aperçu un jour son jeune frère Monza 1er qui excellait dans la musique. Les nuits il m’amenait auprès de mon épouse qui réveillait ses enfants pour qu’ils me saluent parce que tôt le matin je reprenais ma place dans le salon cachot.

Je découvris pendant mon séjour de plus d’une semaine à Lubumbashi que mon épouse souffrait de la solitude comme moi  même à Kalemie. Telle une lépreuse, elle était chassée poliment de résidences des  frères, amis et connaissances auprès desquelles je lui recommandais tout simplement parce qu’elle pouvait les entraîner dans les difficultés avec le pouvoir !

 

A quelques exceptions près, notre sacrifice passait dans l’indifférence totale et parfois dans la moquerie ! Heureusement pour elle, en dehors de gérants de Lusanga et de papa Lipu Kanyoge, des sections de l’amnesty international de Belgique, Allemagne, France et Angleterre parvenaient à l’atteindre par l’entremise de l’église catholique. Difficilement identifiable, certaines aides ne lui étaient pas parvenues parce qu’elles avaient été remises au fondateur Shabien le plus connu, qu’était le Président Kibassa Maliba.

Mon séjour lushois ne prit fin que lorsqu’une place m’avait été trouvée abord du land rover de la sous région de Tanganika qui avait failli me prendre en même temps que le combattant KANKONGE qui venait de Kinshasa pour être banni à Moba.

Ayant voyagé aux côtés du Commissaire de zone de Manono, une chaude discussion nous opposa parce qu’il exaltait le MPR. A un moment il me menaça même de me mettre au cachot à notre arrivée dans sa juridiction.  Le véhicule qui avait quitté Lubumbashi dans l’après midi avait suivi après Likasi, la route de Luambo- Bunkeya pour atteindre Mitwaba le matin et Manono la nuit. Une chambre m’avait été octroyée à l’hôtel de monseigneur Kabwe pendant que je craignais d’être mis au cahot comme il m’avait été dit. Je m’entretins timidement à cet hôtel avec le citoyen Stanislas Kikasa, chef de sous division de l’enseignement et très proche de mon frère Kilanga Kufi.

Le lendemain avant de quitter Manono, notre véhicule passa chez le chef de cité Ngoy wa Ngalula, que j’avais reconnu pour avoir exercé respectivement les fonctions de chef de collectivité ad interim à Sola et de chef de poste d’encadrement à Mbulula dans la zone de Kongolo.  Après avoir traversé par bac la rivière Luvua, nous atteignîmes Kiambi et dans l’après-midi les environs de Nyunzu. Nous n’arrivâmes cependant pas à Nyunzu parce que nous avions pris directement la route menant à Kalemie. J’appris à cette bifurcation que le Commissaire Sous Régional Moupondo avait dépêché des militaires pour m’attendre à Nyunzu afin de m’empêcher d’aller à Kongolo. Il avait reçu de sa hiérarchie l’ordre de me remettre au cachot de l’Etat major des FAZ à Kalemie au lieu d’appliquer l’ arrêté d’assignation à résidence à Kayanza qu’il m’avait remis le 09 mars 1987.

A notre arrivée vers 20 heures à Kalemie à la villa du Ciment-Lac qui servait de résidence au Commissaire Sous Régional, ce dernier sans me voir ordonna ma remise au cachot de l’Etat major des FAZ où je retrouvai ébahis les policiers militaires qui y montaient la garde!

La nouvelle selon laquelle j’avais très mal parlé du Commissaire Sous Régional, que j’appelais « un soit disant Moupondo qui se disait maître » était répandue. Ne s’étant pas plié devant le maréchal, il n’était plus question pour moi de voir l’extérieur du cachot. L’arrangement que je prenais avec certains gardes  pour passer la nuit dans les couloirs des bureaux ou dans le barza n’était plus accepté.

Partageant le cachot avec des militaires sanctionnés en provenance du front de combat, très sales et grands voleurs à même de soustraire des articles contenus dans mon trousseau à mes côtés, j’avais été effrayé de la proximité avec ces inconnus. Non seulement parmi eux pouvait être introduit mon bourreau mais aussi nous trouvant dans la saison des maladies de diarrhées et vomissements, cet environnement  pouvait m’entraîner à une mort qu’on allait appeler naturelle.

A l’occasion du passage du Président Mobutu à Kalemie, le groupe folklorique des mbuli de Kayanza, appelé  “ Appolo ” me fit parvenir le message traduisant des inquiétudes de ma mère. En effet, mon jeune frère Martin qui était supposé se charger de son encadrement avait été arrêté et détenu à la prison de Kongolo pour avoir rendu grosse la fille de l’agronome Milanda.  La solitude de ma mère après la mort de mon père, ma détention  et celle de Martin étaient de nature à porter atteinte à sa santé physique et morale. J’avais aussi reçu une note déplaisante de Martin sur ses démêlées avec nos frères de Kayanza, qui avaient abattu les palmiers qui étaient autour de la tombe de mon père, un an seulement après sa mort et cela malgré mon interdiction.

Entretemps, le capitaine S 2 Mutwale qui me gérait céda sa place au nouveau capitaine qui s’appelait Malan, communément appelé officier de renseignement et originaire de la région de l’Equateur. L’adjudant chef qui m’avait convoyé à Lubumbashi semblait devenir le responsable direct de mon dossier. Avait-il reçu depuis Lubumbashi des ordres précis à mon sujet ? En tout cas, il me disait avoir été formé aux Etats Unis comme Ranger et multipliait ses intimidations à mon égard. Certains officiers se mirent à me mettre en garde, car selon eux il y avait des indices préludant mon martyr et qu’il n’y avait pas de doute possible.

D’abord interdits tous d’être en contact avec moi, certains officiers supposés avoir des relations avec moi étaient étroitement surveillés. Des militaires de garde étaient remplacés par des nouveaux venus. Des appels avaient été lancé à mon épouse à Lubumbashi par des hommes de bonne volonté afin qu’elle vienne à Kalemie suivre de près l’évolution de ma situation.

Alors que je ne recevais plus à manger du restaurant des officiers, le capitaine Malan m’apporta lui-même un matin un déjeuner. Je l’entendis faire des remarques aux militaires de garde à mon sujet en ce qui concerne ma nourriture qui ne devait pas provenir d’ailleurs. Ayant été alerté à temps, je ne pris pas cette nourriture. Le soir un officier que je n’avais jamais vu pénétra dans le cachot et m’ordonna de le suivre. A peine sorti, il se mit à me raser et emporta mes cheveux ce qui fit que toute la nuit, je m’attendais à être enlevé pour subir le sacrifice suprême. Dans la profondeur de la nuit, j’entendis la voix d’un officier de ma tribu qui s’adressait à moi dans ma langue en disant qu’on s’apprêtait à me faire du mal.

Dans mon esprit vint des phrases que j’avais retenues lors des discussions avec les officiers. “ Notre pays a déjà connu beaucoup de martyrs anonymes et ce n’est pas de cela qu’il a besoin pour connaître le changement. Evitez de grâce de devenir un martyr inutile alors que vous auriez mieux servi le pays et votre famille en étant vivant. Au niveau où vous êtes arrivé, devenez plutôt un héros au lieu de mourir martyr, s’il vous arrivait de mourir maintenant ici à Kalemie vous ne serez malheureusement qu’un martyr anonyme !”

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