De la comparution devant la cour de sûreté de l’Etat et la condamnation

De la comparution devant la  cour de  sûreté  de l’Etat et la condamnation

21 Oct, 2015

Texte tiré de l’ouvrage : PROTAIS LUMBU 4. «Mon apport dans le Triomphe de la démocratie multipartiste’ »

Protais-Lumbu21

Protais LUMBU MALOBA NDIBA, Président de l’UDPS. Ph. « femmefortes.com »

Chapitre 9.  De la comparution devant la  cour de  sûreté  de l’Etat,

 

La comparution devant la Cour de Sûreté de l’Etat eut lieu le 19 juin 1982 mais pour  raison de non saisi de certains fondateurs et de l’absence des avocats, elle avait été remise au 28 juin 1982, journée pendant laquelle la brutalité de la garde présidentielle sur le public et les avocats empêcha le déroulement régulier du procès.

En effet, la Cour de Sûreté de l‘Etat fit parvenir des citations à comparaître à tous les signataires de la lettre d’information de la création du second parti politique se trouvant dans la prison comme en dehors.

De tous nos sympathisants, seuls quelques-uns uns qui avaient été considérés comme complices furent concernés pendant que les autres avaient  été libérés parce qu’ils avaient nié d’avoir rencontré les signataires de la lettre d’information au Président Mobutu en leur qualité de fondateurs d’un parti politique mais plutôt en qualité d’élus et leaders.

Pendant que les sympathisants non libérés étaient inquiets, au niveau des fondateurs nous gardions notre calme et la détermination d’aller jusqu’au bout, nous préoccupant seulement à encourager ceux qui étaient retenus même si certains comme Kabule Dimitri étaient inconsolables.

Plusieurs membres libérés se constituèrent en nos informateurs et  ragaillardis par l’atmosphère qu’ils avaient trouvée auprès des adhérents kinois, ils contribuèrent à préparer la journée de l’audience du 19 juin 1982.

Tôt le matin du 19 juin 1982, il nous avait été rapporté à la prison qu’une effervescence régnait autour de l’Assanef à l’occasion de notre comparution et cela tant du côté du pouvoir que du côté de l’opposition.

Extraits de la prison, nous fûmes transportés par un bus qui était escorté par les véhicules qui sonnaient leur sirène. Le long de l’avenue du 24 novembre certaines personnes levaient leur bras en montrant deux doigts non pas pour chanter la victoire mais pour se réclamer du 2è parti politique.

A l’Assanef même, l’atmosphère était de grand jour. Les gens chantaient et dansaient à notre honneur. Lorsque la Cour fut son entrée et que le greffier se mit à nous appeler nominalement en énumérant nos identités, c’est par la clameur qu’il était répondu. Je me souviens de l’hystérie qu’avait envahie la salle  au moment où on avait cité le nom de Tshisekedi. La chanson religieuse, Dieu vous a choisi « Nzambe aponi yo », était chantée en choeur!  Le Professeur Lihau avait aussi été cité, mais en qualité de témoin.

De Makala, nous nous étions déjà entendus que nous ne comparaîtrions pas tant que nos avocats étrangers ne seraient pas autorisés de nous assister. Un texte que j’étais chargé de lire avait même été confectionné. Certains avocats nationaux acceptèrent de nous défendre, ce fut le cas pour mon cas de Me Nyembo et de Me Mukendi.

Si Maître Nyembo Amumba avait été désigné par moi-même et qu’il venait me voir à la prison, Me Mukendi wa Mulumba quant à lui était prêt à le faire en sa qualité de bâtonnier du Barreau de Kinshasa auprès d’un avocat de son barreau.

Défilant à la barre chacun de nous exigea la présence des avocats étrangers et de représentants des organisations des droits de l’homme. J’exigeai quant à moi l’octroi de visa à Me Jules Chomé que j’avais dit, être mon avocat..

 

En fin de compte nous obtînmes la remise pour le 28 juin 1982 et quittâmes l’Assanef triomphalement.

De la Belgique, deux avocats accoururent à notre défense et vinrent nous voir à la prison. Ils s’appelaient Me Robert Charles GOFFIN et Me Eric VERGAUWEN. Nous nous entretenions avec eux dans la joie et l’un d’eux nous photographia en catimini. Toutes les dispositions étaient prises pour leur séjour dans la dignité dans notre pays. Le fondateur Tshisekedi avait mis à leur disposition pour leur transport sa voiture de marque « Jaguar ».

 A l’extérieur de la prison, ces avocats devaient être en contact avec des épouses notamment de nos collègues Ngalula, Lusanga, Kibassa, Makanda, Tshisekedi et Birindwa mais aussi avec nos collègues prévenus libres qu’étaient Dia, Kapita, Kanana, Ngoy Mukendi, Kasala et Biringanine.

En ce qui concerne  l’audience du 28 juin 1982 contrairement au 19 juin, c’est vers midi seulement que le bus vint nous chercher à la prison et au lieu des gendarmes mobiles, l’entrée de la prison était infestée par des bérets verts de la garde présidentielle. L’escorte même était intimidante. Au lieu de pénétrer à l’Assanef par l’entrée normale, l’autobus suivit une voie secondaire.

A la descente du bus qui nous avait amenés jusqu’à la porte d’entrée de la salle, nous n’entrâmes pas dans la salle à la vue de la garde présidentielle qui chargeait la foule venue manifester son soutien à notre démarche politique. Ci et là, les gens étaient battus et escortés vers les lieux de détention et c’est malgré le passage en ce moment du cortège de Kirk Patrick, la représentante des Etats Unis à l’ONU. Le cas de mama Tshika, petite sœur de Tshisekedi me frappa le plus. Elle était arrêtée et dépouillée de certains de ses habits.

Le Collègue Tshisekedi dit qu’il n’allait plus entrer dans la salle et personne de nous ne dit le contraire, même pas Birindwa considéré encore comme complice.

Une forte pression fut exercée sur nous par le Commissaire d’Etat à la justice, le citoyen Mananga et même par nos avocats pour nous faire entrer dans la salle.

Aux menaces de Mananga de nous punir d’une manière exemplaire en nous condamnant et nous exécuter directement au cas où nous n’entrions pas dans la salle, nous ne cédâmes pas.

 A nos avocats nationaux, le citoyen Tshisekedi dit expressément à Me Mukendi de ne plus rien entreprendre et aux Avocats expatriés, il les fit comprendre “ que le problème n’était que politique et non juridique. De toutes les façons, il n’y avait rien de droit.” Conclut-il !

 La salle était bondée des agents de sécurité armés, alors que nos familles n’avaient pas droit d’y entrer ! Quelque chose était à l’avance préparée et il ne fallait pas servir de complice.

L’audience fut ouverte alors qu’en compagnie des fondateurs Kibassa, Kyungu, Ngalula, Lusanga, Tshisekedi et Makanda nous étions toujours débout en dehors de la salle. Le fondateur Kapita, les citoyennes et citoyens Meta, Mangabu, Kabule, Sambwe, Katompa, se présentèrent à la barre en qualité de prévenus pendant que le professeur Lihau le fit en qualité de témoin.

Nous restâmes debout devant la salle d’audience pendant toute la journée. Le Procureur Général près de la Cour de Sûreté de l’Etat, le citoyen Tshilumba était remplacé ce jour par le Procureur Général de la République Bokuma ! Le siège était expressément modifié. Le même jour fut requis à nos charges : 15 ans de Servitude Pénale Principale.

Le collègue Anaclet Makanda qui causait avec sa fille Françoise à mes côtés, s’entendait dire par celle-ci. “ Papa vous ne sortirez de la prison qu’en 1997 ? Ainsi donc vous n’assisterez pas à mon mariage ? ” Nous avions ri à gorges déployées.

Il faisait déjà noir quand il nous fut demandé de prendre place abord de l’autobus pour rentrer à Makala. Des gens accoururent vers nous. Nous nous apercevions qu’ils continuaient à être bastonnés. Même les épouses et les enfants des fondateurs étaient attaqués. Quelqu’un nous dit que la voiture jaguar réservée aux avocats était enlevée et comme ils étaient de nationalité belge, les avocats s’étaient repliés auprès de leur ambassade.

Nos collègues jusque là prévenus libres étaient aussi obligés de prendre place abord de l’autobus pour être détenus avec nous. Il nous avait été demandé de nous représenter à l’Assanef le jeudi premier juillet dix neuf cent quatre vingt deux pour le jugement mais dès ce jour nous décidâmes de ne pas nous y rendre.

Le lendemain, l’atmosphère était morne à la prison. Les nouvelles qui nous parvenaient de plus en plus étaient celles de détention dans les cachots de Bolozi de membres de nos familles y compris des épouses. Certaines personnes qui avaient échappé à l’arrestation se présentaient avec leurs blessures et ne cessaient de dire que si nous étions entrés dans la salle, nous serions assassinés. Il y aurait des désordres expressément entretenues pour permettre notre liquidation dans la confusion. Dieu merci, car en refusant d’entrer dans la salle, le plan du dictateur était déjoué.

Nos collègues qui venaient de nous rejoindre à la prison furent vite intégrés à notre vie. Au cours d’une réunion du collège des fondateurs nous cooptâmes les citoyens Birindwa, Sambwa et Bossassi en qualité de fondateurs. Le dernier coopté n’était pas avec nous en prison mais il nous informait à temps sur les intentions du pouvoir. Ainsi par lui, nous avions appris bien avant que pour ne pas nous permettre de nous inspirer de la constitution pour créer un 2è parti politique, il était décidé par le Comité Central que le MPR n’était plus un parti politique mais plutôt un Parti- Etat-nation.

Etant donné qu’il nous était rapporté que dès le jugement nous serions dispersés à travers la République et que pour Tshisekedi, le citoyen Bolamba déclarait qu’il serait escorté par lui à la prison de Belingo, le collège des fondateurs procéda à la nomination de ceux qui allaient s’occuper du parti pendant notre absence.

Les familles  envoyèrent de l’extérieur les trousseaux de voyage. Mes collègues Ngalula, Tshisekedi, Kibassa, Makanda, Lusanga reçurent des malles entières dans lesquelles ils arrangeaient habits, appareils électroménagers, boîtes de conserve etc. Je recourus personnellement auprès du doyen Ngalula pour lui demander de partager avec moi son trousseau. Il me donna une bouteille thermos, quelques assiettes et même quelques habits !

Chapitre 10. De ma condamnation et mon transfert a la prison de Luiza via la prison

 

Comme prévu, le jour du jugement, on vint nous chercher à la prison mais tous nous refusions de nous rendre à l’Assanef. La Cour de Sûreté de l’Etat siégeant en matière répressive en premier et dernier ressort avait rendu l’arrêt  RMP 3833  RP 2322  Audience Publique du jeudi premier juillet dix neuf cent quatre vingt deux dont la teneur suit :.

Elle dit établie à la charge des prévenus Kibassa, Ngalula, Dia, Kyungu, Lumbu, Kasala, Ngoy Mukendi, Lusanga, Kapita, Tshisekedi, Kanana, Makanda et Biringanine, l’infraction du complot mise à leur charge et les condamna de ce chef à 15 ans de spp chacun.

Dit aussi établie à la charge du prévenu Birindwa, l’infraction de recel mis à sa charge et le condamna de ce chef à 5 ans de spp.

Dit également établie à la charge des prévenus Sambwe Dianda, Meta Mutombo, Mangabu Fwamba et Kabule Bin Kawanga, l’infraction mise à leur charge, condamne le prévenu Sambwe Dianda à 24 mois de spp, condamne le prévenu Kabule Bin Kawanga à une peine de 12 mois de spp.

Les deux mamans, Meta et Mangabu condamnées à 12 mois de spp mais avec sursis de deux ans quittèrent la prison le même jour.

Les faits mis à charge de Katompa n’étant pas établis, il avait été libéré aussi le jour du jugement.

A suivre