Nos diplômes sont acceptés partout

Nos diplômes sont acceptés partout

28 Oct, 2013

 Maker Mwangu, ministre de l’Enseignement primaire et secondaire de la RD Congo « Nos diplômes sont acceptés partout »En charge de l’enseignement primaire et secondaire depuis six ans, Maker Mwangu, un quadragénaire qui a la tête d’un premier de la classe, fait le point de la situation de l’éducation, explique la politique du Congo en la matière et les défis que s’est lancé le gouvernement

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Quel est le bilan de cette rentrée scolaire2013-2014 ?

Le bilan est vraiment positif, parce qu’au 2 septembre, la rentrée a été effective même

si elle a été timide à certains endroits le premier jour. Avec les syndicats, nous avons

noté quelques problèmes au niveau de la province du Nord-Kivu, à Goma, spécialement

dans le territoire de Nyiragongo. Làbas, la rentrée a finalement eu lieu le 9 septembre

2013, c’est-à-dire avec un décalage d’une semaine seulement. Les enseignants ont pu recevoir leur salaire à temps, une bonne nouvelle pour eux, parce qu’ils pourront s’occuper de leurs enfants.

Quel est l’état des lieux de l’enseignement primaire et secondaire en République démocratique du Congo ?

La République démocratique du Congo a connu pendant des décennies, des problèmes

dans le domaine de l’éducation en raison essentiellement de la modicité des moyens alloués à ce département, seulement1% du budget dans les années 1990 !Certaines difficultés que nous vivons aujourd’hui datent de cette période, laquelle contrastait avec les années 1970 et 1980 où le budget alloué à l’éducation était quand même

Important. Le gouvernement a donc fait un diagnostic de la situation et apporté des solutions qui tournent autour de trois piliers importants : Le premier pilier concerne l’accès à l’école. Une étude menée par le ministère avec les concours technique de l’UNICEF, financier de la coopération britannique, a montré qu’au niveau de la tranche d’âge de 5,6 à 11, 12 ans, il y a environ 3,5 millions d’enfants en dehors de l’école. L’objectif principal est d’en ramener le plus possible, surtout que nous sommes en train d’aller vers les Objectifs du Millénaire pour le développement(OMD). C’est la raison pour la quelle, depuis août 2010, le président de la République, Joseph Kabila, a amorcé la politique de la gratuité de l’enseignement, une mesure qui a donné des résultats en deçà de nos attentes, mais qui nous sert de base pour mieux faire. Avant, il y avait environ5 millions d’enfants en dehors de l’école etsi nous sommes aujourd’hui à 3,5 millions, c’est que le système que nous avons mis en place a permis d’en récupérer 1,5 million. Le gouvernement que dirige le Premier ministre

Matata Ponyo Mapon a doté le ministère d’environ de 100 milliards de francs congolais (FC) pour construire les écoles(en 2013) et faire en sorte que les enfants puissent étudier dans de bonnes conditions.

Je dois souligner qu’un tel effort massif remonte aux années 1949 et 1950 avec le plan décennal de la colonie belge, des années où ont été construites la plupart d’athénées et écoles que nous avons à travers la RDC.L’objectif est de construire 1000 écoles afin de recevoir le plus d’enfants possibles à l’école. Le 2e pilier est l’amélioration de la qualité

et l’efficience même de notre système éducatif. Comment faire en sorte que les enfants

qui entrent à l’école en ressortent avec quelque chose ? J’entends des gens dire que

le niveau de notre enseignement ne fait que baisser. Ils ont tort et raison à la fois. Ils ont tort parce qu’il y a souvent cette manière de considérer que c’était mieux avant, mais ils n’ont pas tort non plus parce qu’il est vrai que le monde évolue plus vite que le système éducatif, et parfois, l’école n’arrivepas à répondre à temps à certaines préoccupations. Je vous ai dit tantôt que le budget a subi une forte baisse dans le passé, ce qui a poussé les parents à s’organiser pour prendre en charge les salaires des enseignants. Cette situation a pu avoir un impact sur la motivation

des enseignants et nous savons que beaucoup d’entre eux ont préféré faire autre

chose que donner des cours. Il manquait aussi de manuels et de matériels didactiques, mais le gouvernement a fait un effort en faisant de l’éducation nationale le premier poste budgétaire-13,8%- ce qui nous permet de remédier à cette situation. Le président de la République en a fait une priorité  et avec la dernière allocation de 13 milliards de dollars, nous allons atteindre les 14 %du budget national. Avec le concours de nos partenaires, nous avons mis l’accent sur l’acquisition des manuels scolaires qui sont distribués gratuitement dans toutes les écoles primaires privées comme publiques. Nous avons signé un Partenariat public privé(PPP) afin d’acheminer ces manuels dans des écoles. Toujours en ce qui concerne l’efficience de notre système éducatif, étant donné les besoins de reconstruction nationale

et de développement, nous sommes en train d’améliorer le ratio par rapport à

L’enseignement technique et à la formation professionnelle en transformant certaines

écoles d’enseignement général en écoles d’enseignement technique et de formation professionnelle. Nous souhaitons atteindre50 à 60 % d’écoles d’enseignement technique et de formation professionnelle par

rapport à l’enseignement général. L’autre réforme porte sur l’utilisation de nos langues nationales, commencée cette année dans quelques zones : Kisangani pour le swahili, Mbandaka pour le lingala, Mbuji-Mayi pour tshiluba et Kikwit pour le kikongo. Nous avons identifié dix écoles pilotes où nous avons formé des enseignants et mis en place les manuels nécessaires pour commencer les enseignements en langues nationales. Nous allons même plus loin. En4e primaire, les leçons seront faites en langues nationales et à partir de la 1ère année primaire, l’enfant apprendra les mathématiques, la zoologie en langues nationales. En 3ème et 4ème année, on inverse, mais je tiens à rassurer que ce n’est pas pour autant que les enfants parleront mal le français. Le 3e pilier, c’est la gestion du système, parce que vous pouvez avoir beaucoup d’argent, mais si vous n’êtes pas bien organisés, vous n’aurez pas de bons résultats. Quand on compare les systèmes éducatifs dans le monde, on constate que les Américains consacrent beaucoup d’argent à l’éducation,  mais c’est le système finlandais qui est considéré comme le meilleur, parce qu’on y met l’accent sur la gestion et l’organisation. Dans l’optique d’améliorer le système chez nous, chaque école doit avoir un conseil de gestion composé au minimum de trois personnes, avec au moins une femme. Au niveau de chaque classe, il y a ce que nous appelons le « couple parrain de classe », c’est-à-dire qu’un couple est en contact avec des élèves pour écouter leurs préoccupations.

Nous avons aussi institué des comités des élèves de sorte que chaque école

dispose d’un gouvernement des élèves afin de leur inculquer l’esprit d’initiative et

d’organisation.

Combien y a-t-il d’élèves en RDC ?

Pour cette rentrée 2013-2014, nous attendons autour de 16 millions d’élèves dont 12millions dans le primaire et 600 000 enseignants des écoles privées comme publiques.

Nous avons encore un problème de transfert entre le primaire et le secondaire et c’est

pourquoi, dans la grande réforme dont la loi est encore en discussion au parlement, nous avons pensé à faire l’extension de six ans de primaire afin d’avoir une éducation de base de 8 ans. L’enfant qui termine la 6èmeannée primaire passe en 1ère secondaire sans transition. C’est pour améliorer notre transfert et avoir beaucoup plus d’élèves aussi auniveau secondaire. Parce qu’aujourd’hui, nous avons 12 millions d’écoles primaires contre 4 millions d’écoles secondaires.

Quelle est l’incidence de la mesure de gratuitéde l’enseignement sur la scolarisation

des filles ?

La mesure de la gratuité profite aux filles et aujourd’hui, nous approchons le 0,89, l’indice de parité dans le primaire, un niveau élevé, ce qui n’est pas le cas dans le secondaire. Dans certaines villes comme Kinshasa et Lubumbashi, il y a beaucoup plus de filles à l’école primaire que de garçons, mais c’est l’inverse qui est vrai dans le secondaire. Avec les parents, nous devons parvenir à juguler l’abandon de l’école par les jeunes filles au niveau du secondaire.

Quelle est la part de la masse salariale du secondairedans le budget du ministère ?

Chaque année, chaque mois, le gouvernement ou l’Etat débourse autour de 30 milliards francs congolais pour payer 350 000enseignants, ainsi que des frais de fonctionnement. Comparés aux 25 milliards de l’année précédente, les 30 milliards nous permettent d’augmenter les salaires de 30 %.Dans la préparation du budget 2014, nous allons discuter avec les syndicats pour voircomment améliorer encore le salaire l’année prochaine. Pour l’instant, un enseignant débutant dans le primaire gagne environ 60 000 FC et après 20 ou 30 ans d’ancienneté, il touche entre 60 et 100 000 FC.

Qu’est-ce que la bancarisation a apporté à la gestion de ressources humaines ?

La bancarisation a d’abord permis que l’enseignant ait la totalité de son salaire, d’avoir un fichier sur les enseignants qui nous rapproche de la réalité. L’objectif n’était pas de le système qui fonctionnait avant consistait à payer le poste plutôt que l’individu. On payait directement l’argent pour le nombre de classes et le directeur payait les enseignants. Avec la bancarisation, le système change ; on ne paie plus le poste, mais directement l’individu qui occupe le poste. Mais il ne faut pas abhorrer l’ancien système parce que dans le corps enseignant, il y a une très forte mobilité et il arrive qu’un enseignant parte parce qu’il a trouvé mieux ailleurs. Pour éviter que les élèves manquent d’enseignant, le directeur a le pouvoir d’engager un autre enseignant qui touchera le salaire de celui qui est parti.

Il y a une prolifération des écoles privées au Congo ; quels sont les critères sur les quels sont délivrées les autorisations ?

Au niveau de chaque province, on organise ce que nous appelons les « Promos scolaire provinciales », et c’est là que s’établissent tous les besoins en matière d’agrément des écoles. Chaque province évalue ses besoins et décide en conséquence. C’est une pratique qui avait disparu et cela a causé un retard assez important dans certaines localités où la croissance démographique a conduit à la construction d’écoles par les habitants, mais qui n’étaient pas reconnues. Nous sommes en train de les récupérer

Quel a été le taux de réussite aux diplômes d’Etat en 2013 ?

Nous avons connu un taux de réussite faible de 47 % sur l’ensemble du pays, un résultat qui nous interpelle et nous oblige à améliorer la qualité de notre pédagogie si nous voulons obtenir de meilleurs résultats dans les années à venir.

Que répondez-vous à certains étrangers qui disent qu’en RDC, on achète des diplômes?

Je dis que c’est faux parce que nos diplômes sont acceptés partout ! Certes, nous avons eu un problème avec la Wallonie, mais ce n’était pas la qualité du diplôme qui était en cause, mais lla couleur qui changeait chaque année. Nous avons aussi connu un temps relativement long où on n’imprimait pas les diplômes et ce sont ces questions qui ont fait l’objet de nos entretiens avec la ministre de l’Education de la Wallonie. Tout est maintenant réglé.

Quelles sont les réalisations ou les réformes dont vous êtes le plus fier ?

Nous avons lancé beaucoup de réformes dont la gratuité voulue par le président et

qui permet à tous les élèves, sauf à Lubumbashi, d’aller à l’école sans payer de frais.

L’autre réforme porte sur les normes que nous avons édictées pour la construction

d’établissements scolaires, sans oublier bien entendu, l’introduction des langues nationales Il faut noter aussi la réforme qui consiste à transformer les écoles d’enseignement général en écoles d’enseignement technique et de formation professionnelle, et enfin la mise en oeuvre de la mutuelle des anté des enseignants pour leur permettre d’accéder aux soins de santé de qualité. Pour couronner tout ça, il y a la planification pour éviter que le ministère navigue à vue. Aujourd’hui, le ministère a une stratégie et un plan intérimaire qui nous a permis d’être acceptés au partenariat mondial pour l’éducation et c’est vraiment important pour  nous. Tout ce qui sera désormais fait le sera dans l’esprit du partenariat mondial pour l’éducation avec des retombées immédiates. Récemment, nous avons bénéficié de la communauté mondiale d’un montant de 100 millions de dollars pour acheter des manuels et

faciliter la mise en place de la gratuité dans le but d’atteindre les (OMD). Je rappelle aussi qu’avant, il fallait attendre 6 ou 7 mois pour obtenir les résultats des examens d’Etat. Aujourd’hui, le temps d’attente dure quelques semaines, un mois tout au plus.

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