Protais LUMBU 1 : Mes premiers pas (Titre 1 et Titre2)

Protais LUMBU 1 : Mes premiers pas (Titre 1 et Titre2)

22 Avr, 2014

 

Né le 22 avril 1948, Protais LUMBU MALOBA NDIBA vient d’écrire « Mes premiers pas », une autobiographie de six titres dans laquelle il décrit sa vie, de l’enfance jusqu’à la fin de ses études universitaires.

Papa-MAitre3

Titre 1er : De la naissance aux premiers souvenirs

 

Chapitre 1er : Ma naissance à Kalwamba- Lez- Kayanza,

Paragraphe 1er : Né le 22 avril 1948,

C’est le 22ème jour du mois d’avril de l’an 1948, que les douleurs prénatales acculèrent ma mère en congé au toit paternel à Kalwamba. Oui, c’est ce jour là que je naquis sous le signe de taureau après un frère décédé en bas âge.

A l’occasion de l’inscription de mon mariage religieux en avril 1975, le Curé Simon Kabezya de la Paroisse de Mbulula avait soutenu la date du 22 avril 1948 mentionné sur mon livret de baptême comme jour de mon baptême et que la date de ma naissance serait le 19 avril 1948. Mon père, avait rejetté l’affirmation de ce prêtre.

J’ai en effet, été bâptisé le jour même de ma naissance au prénom de Protais, « Protazi en Kiswahili ». Le nom de MALOBA, que portait aussi mon père m’a été attribué par lui, en souvenir de la personne qui avait à Ilunga, héritée Mugalu, sa grande mère paternelle, après le décès à Kayanza de son grand père Muyenga gwa Yula.

Une maladie m’avait terrassé juste à la fin des vacances et ne permit pas à mon père de regagner le village Kaïngwe, son poste de travail. Amené au dispensaire de Mbulula, dirigé par l’infirmier Simon, les meilleurs soins me furent administrés et le pire avait été évité.

En écoutant ma mère raconter cet épisode de sa vie, je découvrais dans son langage sa peur de me perdre, comme c’était le cas pour son premier enfant.

Paragraphe 2 : La naissance de Marie,

Absent de plusieurs jours de son poste, mon père avait été licencié. Il se mit à travailler aux champs à Kayanza, aidée par ma mère.

Le 9 novembre1950 Marie agrandit le foyer. Elle reçut le nom de MUGALU MALAMU en souvenir de la sœur ainée de mon père qui venait de décéder à Mundula.

Invité à reprendre son métier à Kayanza, mon père avait ensuite été muté à Katambwe, village situé à proximité de la mission adventiste de Bigobo.

Chapitre 2 : Ma première et ma deuxième primaire à Katambwe.

 

Paragraphe 1er : Une vie familiale dans le partage,

Mon père avait enseigné quatre ans durant à Katambwe en parfaite entente avec la population.

Ayant commencé mon école primaire, le bâtiment scolaire se trouvant loin de notre résidence, fatigué en m’y rendant, je poussai mon père à me porter sur ses épaules.

Lorsqu’un nouveau bâtiment avait été construit à quelques pas de notre nouvelle résidence, je tirai ma petite sœur Marie, vers ce lieu du savoir.

Nos visiteurs étaient étonnés de la capacité de ma mémoire et de mon expression facile, lorsqu’ils m’entendaient réciter correctement des morceaux enseignés à l’école.

Ma mère se rendait au champ pour sarcler, récolter, ramasser ou pêcher. Notre joie était toujours grande lorsqu’elle rentrait le soir avec une casserole pleine de poissons attrapés à la rivière Mugweyi.

Un jour Marie jeta mes souliers dans le feu et à deux nous admirions les flammes en riant. Je relatai à ma mère ce qu’étaient devenus mes souliers alors qu’elle était absente sans savoir que j’allais l’énerver !

En effet, rare étaient mêmes les fils des enseignants qui portaient les souliers. Je venais de perdre inconsciemment un bien de luxe !

Le 2/ 10/1952, Elisabeth naquit, Le nom de KABEYA FATAYAKO, tante paternelle de mon père lui avait été donné.

Née sans beaucoup de cheveux, elle pleurait tellement pendant les absences de maman, qu’avec Raphaël nous chantions,( le mamaï , mamaï mwana kolela), maman,maman, l’enfant pleure, pendant que papa se debattait à la calmer !

De tels jours mon père se fâchait et grondait ma mère à son retour.

Raphaël jouait souvent à l’attrapeur d’oiseux. Un jour il se mit à cueillir la sève de « kilembelembe » avec mon oncle Kitoko. Ce dernier avait mis pour la circonstance un foulard aux yeux et chaque fois qu’il saignait l’arbre, il s’en éloignait aux pas de course, ce que ne faisait pas Raphaël dont la sève pénétra dans les yeux.

D’abord, il me demanda de ne pas alerter les parents, puis m’envoya lui chercher de l’eau et enfin il se mit à pleurer.

Se cachant dans une salle de l’école parce que les parents nous avaient toujours défendu de jouer avec cet arbre, il était effrayé.

Quant à moi j’étais placé dans une situation délicate, d’une part j’avais peur d’alerter papa qui était très sévère et d’autre part j’avais la crainte de voir Raphaël devenir aveugle.

Je me décidais à mettre maman au courant de l’événement et heureusement, je ne trouvai pas mon père à la maison.

Maman avait rejoint Raphaël et lui avait injecté le lait maternel dans les yeux.

Une nuit, pendant un vent violent, mes parents de leur lit se précipitèrent à mon lit quand ils entendirent une branche soutenant le toit tomber. Ce bois se trouvait juste au-dessus de mon lit. Ma mère pleurant, pensait que j’étais atteint et ne se calma que quand ils s’aperçurent que je dormais en toute tranquillité et que le morceau d’arbre se trouvait juste à mes côtés.

Nous connûmes une saison où les hyènes dominèrent. Chaque matin quelqu’un se plaignait parce qu’il venait de constater la disparution de sa chèvre, sans doute attrapée par cet animal.

Une nuit papa était absent et Marie se mit à pleurer. Elle pleurait beaucoup lorsqu’à un moment nous entendîmes les cris de l’hyène.

Pris de stupeur ma mère et moi-même nous ne disions mot, voir, nous nous retenions même à tousser. Marie continua à pleurer jusqu’au moment où elle entendit elle-même les cris étranges.

Le lendemain, j’appris que l’hyène de cette nuit là était mon père qui voulait faire taire Marie. Depuis ce jour là, chaque fois que Marie pleurait, quelqu’un imitait le carnassier pour rétablir le silence

Paragraphe 2 : Les visiteurs de notre maison,

Katambwe n’était pas relié à d’autres villages par une route mais plutôt par un sentier. Les porteurs du message évangélique s’y rendaient à vélo pendant que leurs malles étaient transportées d’un village à l’autre par les indigènes. L’accueil que réservait mon père à ses supérieurs était remarquable.

Pendant leur séjour, nos visiteurs nous distraiaient de manière différente.

L’Abbé Blaise Nkulu jouait son accordéon, L’Abbé François Iday nous photographiait tandis que l’Abbé Joseph Mulolwa passait des heures entières à expliquer dans son débit lent, les merveilles de la religion catholique.

Docteur en droit canon, il étonnait par son savoir religieux ! Il célébrait ses messes sans acolyte.

Nous avions connu aussi la visite de l’Abbé Jean Joubert. Il était sympathique et souhaitions tous le prolongement de son séjour. Quelle ne fut la douleur ressentie, lorsque nous apprîmes la nouvelle de son décès quelques mois seulement après notre séparation !

Pendant les grandes vacances, Athanase Lumbu et Cyprien Muyumba Salumu, élèves à l’école régionale de Sola et respectivement mon grand frère aîné dans notre famille jointe et mon oncle maternel venaient à Katambwe.

Kitoko Mbayo, mon autre oncle baptisé après au nom de Prosper les avait rejoint à Sola, qu’ils avaient quittés, pour aller continuer le premier au petit Séminaire de Lusaka, le deuxième à l’école normale de Kasongo et le troisième au petit séminaire de Mugeri.

Je n’avais pas vu souvent mon grand-père paternel et mon grand père maternel chez nous, alors que mes grands-mères y étaient régulièrement.

Cheko Muyumbwila, le neveu de mon père et ses grandes sœurs Nyota et Chekanabo Mugalu, tous enfants de sa défunte sœur étaient aussi réguliers.

Normalement une poule était égorgée à l’ occasion de différentes visites. Une fois je me mis à pleurer pace que la poule égorgée était la mienne.

Un jour alors que les grands- parents maternels étaient à la maison, j’entrai au salon et me mis à jouer avec l’horloge. Je bougeai tellement les aiguilles que j’avais oublié enfin quelle heure était- il exactement. Sûr et certain que papa allait découvrir cela, je me présentai moi-même devant lui et demandai d’être frappé.

Pourquoi veux-tu que je te frappe, m’interrogea-t-il ? Je répondis que c’est parce que je venais d’abîmer la montre.

Les visiteurs poussèrent les cris d’étonnement. Ils n’avaient pas encore vu selon eux, un enfant aussi courageux. Pour ma sincérité, papa me félicita au lieu de me fouetter.

Dans le village, Kalukula était mon grand ami, avec lui je jouais au sable de la cour de l’école. Des fois nous nous battions et la victoire changeait de camp.

Un après midi alors que papa allait visiter ses pièges, je tins à l’accompagner. Il me porta à son vélo, mais au retour la pluie se mit à menacer. Ayant accéléré il ne s’aperçut pas vite de ma chute ! Je restai ainsi en pleine brousse jusqu’au moment où il rentra me recupérer. Depuis lors il ne me prenait plus quand il allait aux champs.

Mon grand ami Kalukula me convainquit une fois d’aller nous laver à la rivière, j’acceptai et nous partîmes en groupe. Au retour j’étais devant tout le monde.

A un tournant j’entendis derrière moi mes collègues pousser des cris ? Parce que, ce que j’avais sauté en croyant que c’était un tronc d’un arbre était un crocodile.

Certains noms de Katambwais qui m’étaient familiers sont : Victor Kabwali, Chungu, Lea, Akili, Kiyabwe, Malisawa, Maskini qui s’était fait photographié avec mon père et moi-même, son épouse Malamu qui était originaire de Kayanza, Fataki, les vieux Muyanzi et Kabula.

Bimuloko la fille de Masikini avec ses compagnes aidaient beaucoup maman dans tous les travaux de ménage.

Jamais seul, je ne me rendais au délà de la haie de la cour de l’école.

L’entente entre ma famille et la population était parfaite. Les hommes partageaient avec nous leurs produits de chasse pendant que les mamans et les filles nous amenaient les poissons.

Tel un chef à qui on doit un tribut et qui en contre partie donne protection aux siens, tel avait été mon père, qui donnait des conseils, lisait les lettres, donnait du sel ou des produits pharmacéutiques pendant que ma mère cousait les habits.

Paragraphe 3 : Les déplacements pendant les grandes vacances,

Certaines vacances, seul avec papa nous nous déplacions. Une fois nous nous rendîmes à Kayungu, mais au lieu de passer par le raccourci Katambwe- Kabenga Say, nous fûmes obligés de contourner par Bigobo parce que la rivière Luvituka qui n’avait pas de pont entre Katambwe et Mpala était en crues.

Arrivés à Bigobo nous restâmes quelques minutes chez papa Sunzu, cousin de mon père et papa de Mbayo Espérance. Avant qu’il ne soit midi nous reprîmes notre voyage et pour moi c’était un spectacle chaque fois que nous nous croisions avec un véhicule.

Peu après midi, nous atteignîmes le village Muzyunda où nous allâmes dire bonjour chez le collège de mon père, l’enseignant Jean Bendera.

Il se mit à pleuvoir et laissant les parents, je sortis pour jouer avec Thérèse. Dès après le passage de l’averse, je remontai au vélo et papa se remit à pédaler jusqu’à la pente de Lwilu. Passés cette pente nous fîmes escale à Mbulula et c’est tard dans la soirée que nous arrivions à Kayungu, où son petit frère Mwalimu Sixte enseignait.

Maman Valériane, Raphaêl et Louise nous avaient accueillis chaleureusement.

Papa repartit le lendemain avec son petit frère pour Mukutano à la réunion et retraite des enseignants, pendant que moi je restai passer mes vacances à Kayungu jusqu’à son retour.

Le jour que nous avions quitté Kayungu pour rentrer à Katambwe, boby, le chien de papa Sixte nous avait suivis. S’apercevant que nous étions près de Mbulula et craignant sa disparution, papa se décida à le faire rentrer.

A Mbulula, ce village carrefour, siège de poste detaché, chef lieu de la collectivité des Bena Niembo ainsi que la résidence de l’agronome, papa y avait acheté des habits ainsi que des friandises avant de reprendre la route de Katambwe.

Nous n’étions plus rentrés par Bigobo car la rivière Luvituka n’était plus en crues.

C’est le raccourci Kabenga Say- Katambwe que nous suivîmes. A Kabyionga, nous tardâmes chez l’enseignant Firmin Ngombe et à Mpala nous ne pouvions pas passer sans voir la tante Nyota épousée par Kazimoto Butata et l’enseignant Désiré Kizige, grand ami de mon père. Nous atteignîmes Katambwe la nuit.

Il eut des grandes vacances où Kayanza fut le grand lieu de rencontre de toute notre famille jointe.

Louise et Marie partageaient parfois leurs jeux avec Cyrille fils d’Augustin Sanduku.

Il y avait Raphaël, Chekanabo, Sylvie et tant d’autres frères, sœurs, cousins et cousines.

Maman Valériane et maman Modesta aidaient aux travaux de ménage. Les dimanches avaient été des journées où, on dansait partout et que les masques circulaient et effrayaient les gens qui les fuyaient.

. Rentrés à Katambwe, papa ne traîna pas à nous quitter pour rejoindre encore la mission de Makutano.

Pendant son long séjour, nous avions vidé toutes nos réserves. Nous manquions le savon et maman très débrouillarde se mit à fabriquer des savons noirs à base des fruits de l’arbre « Kifumbe ».

Lorsque papa revint il amena beaucoup de cadeaux, dont les friandises et nous oubliâmes très vite la période de la disette.

Maman se rendait parfois dans son village natal, mais une fois au retour, elle fit une chute avec son vélo à la pente de la rivière Lwihu près de Mbulula. Son visage fut depuis ce temps maculé d’une cicatrice.

Paragraphe 4 : Le centre de santé de Bigobo,

A cinq kilomètres du village Katambwe se trouvait le village Bigobo, centre protestant important de la région. Situé à mi-chemin de l’axe Kongolo-Nyunzu, Bigobo possèdait une école primaire complète ainsi que deux ans postprimaire, un dispensaire très fréquenté et quelques résidences en tôles qui abritaient les pasteurs européens.

A part la mission protestante, Bigobo possédait, des magasins et un grand hangar de concervation des fibres textiles.

Quelques parents de mon père tels que : les grands pères Lukonzola et Lumbu Kitambala, papas Biriki, Kachoma et Sunzu résidaient dans ce village. Ce dernier en provenance de Kayanza était capita vendeur. Il y avait aussi Rubbeni, oncle maternel de mon père qui avait été à un certain moment muté à Pemba.

La famille se faisait soigner au dispensaire de Bigobo et logeait chez l’un ou l’autre parent cité ci-haut.

Les matins avant d’être soignés au dispensaire, l’enseignement de l’évangile avec les images illustrées nous était imposé.

Un jour maman alla puiser de l’eau le jour de sabbat alors que la défense de faire n’importe quel travail était de rigueur ! Maman Bizuli, l’épouse de papa Rubbeni lui pria à verser toute cette eau par terre.

Quand la machette trop tranchante de mon père après avoir au champ scindé un arbrisseau, termina sa course sur son avant bras gauche, il s’était rendu directement à ce dispensaire où maman l’avait suivi.

Eudoxie vit jour le 7/12/1954. Elle avait été nommée ABAMUTAKE KIBATA, nom de la deuxième épouse de mon grand père. Elle était encore très petite lorsque fut organisé un recensement.

C’est à Bigobo que la population des villages environnants devait se rendre. Des pluies abondantes nous avaient empêchées de nous présenter à temps auprès de l’Européen, imperturbable, qui malgré les excuses présentées par mon père lui ordonna de le suivre à Mahundu, village éloigné de Bigobo de dix kilomètres.

Ne pouvant pas désobéir, au risque d’être emprisonné, c’est sous un soleil ardent alternant aux averses qu’il nous amèna à Mahundu, auprès de ses collègues, Ildephonse Malota et Jean Kibunda.

Il était connu que je ne mouillais pas mon lit, raison pour laquelle, Monsieur Ildephonse me prit dans sa chambre. Hélas cette nuit là, contrairement à mes habitudes, je le fis et me trouvai le matin très frustré.

Chapitre 3 : Ma troisième primaire à Kayanza.

 

Paragraphe 1er : La mutation de mon père à Mahundu,

A Katambwe, les nombreux décès causèrent le déménagement de certaines familles dont la famille Masikini qui s’installa à Mbuli, village créé dans l’axe routier Kabenga Say-Mutombo.

Les véhicules pouvaient arriver dans ce nouveau village et les agriculteurs parvenaient à vendre avec aisance les produits de leurs champs.

Un dimanche, Masikini avait invité mon père, c’était notre dernière sortie, car Makutano l’avait muté à Mahundu.

La nouvelle de la mutation de mon père attrista les Katambwais. Leur émigration était la cause et voilà que maintenant ils allaient manquer une école pour leurs enfants.

La veille de notre départ, beaucoup de Katambwois vinrent nous tenir compagnie. Maman cousait les habits de certaines personnes gratuitement, « c’étaient les adieux « .

Le lendemain très tôt le matin, les Bimuloko aidèrent à emballer les bagages.

Il était presque quatorze heures lorsque nous quittâmes ce village avoisinant les montagnes Mutaluke et Makena et les rivières Mugwey et Luvituka. Les anciens élèves de mon père transportaient, qui de machine à coudre, qui de casseroles et qui d’autre d’un fardeau quelconque.

C’est à la nage que nous traversâmes la rivière Mugwey et une heure après nous attendions déjà à Bigobo devant le magasin de Frekade, la camionnette de la mission qui devait nous amener à Mahundu.

A 17 heures la camionnette arriva. A côté du chauffeur, se trouvait l’enseignant Kibunda Jean, que mon père venait de remplacer à Mahundu. Une fois le chargement terminé le véhicule demarra.

Il faisait déjà noir lorsque nous atteignîmes le village Mahundu. Il y avait beaucoup du monde sur la cour de l’école. Où, un enseignant qui s’appelait Gervais y fêtait la célébration de son mariage.

La population nous accueillit aux cris de  » Na Mwalimu gwetu, na Mwalimu gwetu ». « Notre enseignant, notre enseignant ». C’est alors que je vis l’enseignant Kibunda sortir de la cabine et s’adresser à la population dans les termes suivants :

 » Vous autres, vous ne savez pas que celui-ci est aussi un Kayanzien, un homme de chez- moi ? »

Cette phrase me fit conclure que c’était suite à certaines difficultés d’intégration, que les enseignants Kibunda et Malota étaient déplacés.

Le matin nous nous rendîmes chez le capita du village qui s’appelait Mahundu Pende. En soutane blanche, il nous accueillit et s’entrentint avec papa. Pendant ce temps j’admirais, la position de ce grand village qui de la maison du capita située au sommet de la montagne Kabundi s’etendait dans sa majesté jusqu’au bas.

Mahundu contrastait avec Katambwe, il y avait ici des magasins, une route et surtout mon père qui avait son collègue n’allait plus s’occuper de deux classes.

L’autre enseignant vint quelques jours après. Il s’appelait Mwayenga Théodose et venait de Kihonga. Originaire aussi de Kayanza « Lwenye », il n’avait pas son epouse qui venait de perdre un enfant mais était accompagnée de sa fille ainée, de même âge que ma petite sœur Marie et qui s’appelait Joséphine Charlotte.

Malgré la grandeur du village, l’abondance des élèves, Mahundu n’avait pas une troisième primaire. Dans toute la chefferie de Nyembo il n’y avait que deux classes de troisième, respectivement à Mbulula et à Kayanza.

Comme j’avais déjà terminé ma deuxième à Katambwe, mon père m’amèna poursuivre mes études à Kayanza, chez ses parents.

Alors qu’il se rendait à Makutano, il me prit sur son vélo et suivit le raccourci Mahundu-Bonté-Mbulula. Le vélo ayant connu une panne, nous rejoignîmes Kahongo tard dans la soirée et y passâmes la nuit.

Interrogé si je mouillais mon lit la nuit, mon père se souvenant du cas vécu chez l’enseignant Ildephonse lors du recensement, donna une réponse très réservée. On me prépara mon lit et le matin tout le monde constata que je ne l’avais pas mouillé. Personnellement j’étais très content parce que j’étais réhabilité.

Comme il pleuvait abondement, c’est seulement dans l’après midi après la réparation du vélo, que nous nous séparions avec les enseignants Martin et Théophile Kaya pour poursuivre notre route. Il était tard quand nous arrivâmes à Mbulula où nous avions passé la nuit chez l’enseignant Sylvestre Moke.

Le lendemain mon père devait atteindre Makutano via Kayanza avant la célébration de la messe dominicale. Il me déposa à Kayanza en insistant auprès de ses parents sur la restriction de mes promenades.

A Kayanza la classe de 3ème connut au cours de la même année scolaire deux enseignants. D’abord Monsieur Prosper Kahozi, originaire de Minanga, ancien militaire qui n’hésitait pas à porter sa tenue de caporal chaque fois que l’école était visitée ou appelée à Mbulula pour saluer les autorités. Ensuite vint l’enseignant Richard Munguluma, originaire de ce village dont la maison de son père Kihanzula et mère Mbombo n’était pas loin de la nôtre. Il aimait s’appeler « Ishandi ya Mbombo », « vieil habit de Mbombo ». Fier, il l’était même en roulant sur son vélo neuf. Son épouse s’appelait Hidegarde, elle était d’une grande corpulence.

Paragraphe 2 : La composition de ma nouvelle famille,

Chez mes grands-parents paternels, nous n’étions comme enfants, que nous petits-fils. Leur enfant cadet Tubyangalie Pombo venait de partir à l’internat de Sola pour y être baptisée au nom de Béatrice.

Je rencontrais chez mes grands parents, Stambili, fille de ma tante paternelle Malamu Mugalu, décédée un peu avant sa petite sœur Mangaza Seraphine depuis près de cinq ans. Il y avait aussi Sangwa Mayaliwa et son petit frère Masokoti, fils de Mazuli, neveu de mon grand-père. Enfin il y avait mon grand frère dans la famille jointe, Raphaêl, fils de papa Marc, frère ainé de mon père.

La présence de nombreux compagnons de jeux et la tendresse remarquable de mes grands-parents facilitèrent mon intégration dans mon nouveau milieu.

Je connus mieux pendant cette période mon grand-père, ce vieux barbu de grande taille et d’une chevelure noire foncée parsemée des cheveux blancs. Son ton était autoritaire. Il s’habillait toujours en pagne blanc au-dessus du quel était une chemise ou un manteau. Il s’appelait Lumbu Pilipili fils de Muyenga fils de Yula fils de Mbundu.

En voyage mon grand-père portait la lance. Il était connu comme un grand chasseur et avait même un fusil à piston.

Bigame, sa première épouse était ma grand-mère : petite de taille, mince et de teint clair. Son nom était Mwayuma Mutoe Gwa Mugambwa, une muzila Nge de Zimba où elle était nyibanza de Zimba Chi Bakuma. Elle avait grandi à Buzila Nzovu avec son frère Rubbeni Ngombe.

Elle n’approchait pas du tout la corpulence de sa rivale Abamutake Kibata, originaire de Samba dans le secteur de Baluba-Buki, qui ne s’exprimait qu’en Kiluba, malgré d’innombrables années passées à Kayanza chez les bahemba -bena nyembo.

Mon grand père avait épousé mes grandes mères alors qu’il résidait d’abord à Ilunga où sa mère Mugalu avait été héritée par Maloba ga Londa parent de Ndundula Mbuyu, après le décès de son père Muyenga gwa Yula.

Après Ilunga mon grand père habita à Kilubi-Masagala, l’actuel Chala dans la collectivité de Bena Yambula, où, après le décès de sa maman, il y avait suivi sa gande sœur Musoga qui avait été épousée par Munyane.

Mon grand père n’était rentré à Kayanza que vers 1936 suite à l’insistance de la chef Mukumbane, qui lui envoyait des émissaires pour lui dire que sa forêt de Mbundu risquait d’être accaparée par d’autres personnes.

En effet à l’occasion du décès de son frère Kahinga Lumanya, il avait amené à Kilubi les grands enfants du decuyus qu’étaient, Muhemeli Muganza, Simon Kalunga, Mwehu Lenga Lenga et Kahozi qui pouvaient continuer à veiller sur cette copropriété de Mbundu.

Ma grande mère avait donné naissance avant le retour à Kayanza à Malamu Mugalu, Kabamba Marc, Maloba Kichwanyoka Martin, Ilunga Masaani Sixte et à Kayanza à Sangwa Prophil, Mangaza Séraphine et Tubyangalie Pombo Béatrice. Sa rivale Kibata n’avait pas donné à mon grand-père des enfants mais sa case abritait non pas seulement son mari mais aussi des petits fils.

L’entente ayant été parfaite entre les deux grands-mères, l’une de mes petites sœurs avait reçu le nom de la rivale.

Souvent j’entendais mon grand-père gronder ma grand-mère.

Paragraphe 3 : Des occupations journalières,

Mes grands parents travaillaient aux champs dont l’un était près de l’école, le long de la route Mbulula-Zimba, champ dans lequel ont été enterrés d’abord, mon frère ainé Protais Maloba puis ma tante Séraphine Mangaza et enfin des chrétiens.

Pendant les semis et les récoltes du coton, moi-même et tous les autres enfants allions les aider. Les jours où nous étions dépassés par le sommeil, j’entendais ma grand-mère réveiller Stambili qui malgré sa réponse habituelle « Nakubenga », je refuse, était traînée malgré elle au champ, tandis qu’un tranchant « Alfael, bua », « Raphael réveille-toi » auquel était ajouté « Abundi anwe », espèce de lièvre, sortait de la bouche de mon grand-père.

Je n’étais pas quand à moi inquiété et continuai à dormir, sans doute parce que j’étais le plus jeune. Dès que la cloche de l’école tintait, mon grand-père libérait tous les enfants.

Pendant la saison de pluies nous allions en groupe en forêt ramasser les escargots. Stambili était la fille qui portait la casserole familiale, que nous devions remplir. Il arrivait des jours que l’un de nous était blessé parce que pieds nus, il avait marché sur le « ndulu », épine vénéneuse. Boitant, il regagnait le foyer où la grand-mère lui administrait les soins appropriés.

Parfois, le soir, à la couchée du soleil, nous allions avec les branches de palmiers appelés « mikondo kondo » attendre les oiseaux qui volaient en groupe pour tuer quelques uns, mais hélas, placé à côté de Mahangaiko Kipete, la plus part d’oiseaux, il s’en accaparait prétendant qu’ils étaient tués par son ‘’mukondo kondo’ ‘

Je manquai un jour d’aller à l’école sous prétexte qu’il y avait un décès près de notre case, mais c’était sans compter sur les habitudes particulières de ce village. En effet, chaque midi, pour empêcher des batailles éventuelles entre élèves, les enseignants les accompagnaient jusqu’au centre du village. Notre maison ayant été la première du sentier reliant l’école au village, je me cachai dans le plafond appelé » busanzo », pour ne pas être vu par l’enseignant.

Les après midi étaient mouvementés. Souvent dès, après avoir mangé je me rendais à la rivière prendre bain en compagnie de mes amis et au retour, nous jouions aux « misolo ». Certains jours nous allions contempler, les danseurs de tambour et « les balamba ». Il arrivait des jours où Ngeleza nous émerveillait avec les masques.

La vie en groupe faisait que chacun des membres devait tout faire pour s’affirmer, être le plus fort et s’imposer chef, tandis que le faible était la risée de tous, C’était l’application de la théorie de Darwin, » the struggle for life ».

A la rivière, en forêt, aux champs et même au village mon parent Sangwa Mayaliwa était réputé, il se moquait des autres dans ses chansons. Un jour à l’école il provoqua une bataille contre la famille Muchelewa composée de Kayombo, Sangwa et Licha.

Le travail manuel à l’école consistait à organiser les jardins de l’école et entretenir la cour et les bâtiments. Les palmiers, orangers, citronniers, étaient plantés. Raphaël était l’un des dirigeants de ces travaux.

Cependant, les enseignants avaient aussi chacun son jardin. En dehors de travaux organisés à l’école, n’importe quel élève pouvait y travailler en contrepartie d’un ou plusieurs cahiers.

Un jour, je me présentai avec Maskoti chez l’enseignant André Bendera, père d’Eustache, Maurice, Gérard, Lazard et Koli pour travailler. Ce dernier nous désigna les portions de terre à labourer et sous un soleil ardent nous nous mîmes à arracher les roseaux et autres arbrisseaux. A la fin de notre travail nous reçûmes des cahiers, mais sans joie, car nous nous grattions tout le corps, meurtri, par des herbes piquantes appelées « mbese ou upupu ». Jamais je ne me présentai plus volontairement à ce genre de travaux.

Paragraphe 4 : Un village imposant,

Nos cases étaient à droite de celle de Kaputula, le mari de Muloye et papa de Nyembo et Kahozi. A gauche il y avait la case de Ndundula Muyumba, le papa de Mwalimu Seba Numbi, celle de Mutenda gwa Abimba, père d’Augustin Sanduku et Jean Chrisostome et un peu plus loin celles de Baruani Ngololo père de Mwali, Hélène et Brique, celle d’André Mbungu et celles des épouses de Kihanzula, père des enseignants, Onéciphore, Richard, Léandre Kufi et de Donatien, Kitoko, Simba et Nzaina. Il avait aussi une maison devant ses cases.

Derrière les deux cases de mon grand-père était celle de mon jeune père Prophil communément appelé Sangwa ya Pilipili. Celui-ci avait son épouse qui s’appelait Zenobith et sa fille Séraphine. Maman Zenobith était régulièrement chez son parent Matandiko à cause d’innombrables disputes avec son mari.

A droite de la case de mon oncle paternel étaient celles de Mubaya et de Malisawa père d’Awezay et Sinanduku.

Kayanza était le plus grand village hemba. D’innombrables étrangers dont le Nonce apostolique la visitaient.

Les citronniers, orangers, palmiers et manguiers étaient rangés impeccablement le long du village dont les maisons avaient derrière elles des cuisines et de toilettes. Une grosse pompe du fond de bien être indigène « FBI » fonctionnait à la rivière Lubamba.

Village le plus peuplé de la région, le marché du coton durait d’interminables journées. La population scolaire abondante avait vite eu droit à la première quatrième de la collectivité Bena Nyembo, malheureusement fermée de temps à autre, pour manque d’enseignant qualifié.

Dans beaucoup de villages de la région, le savoir était repandu par les originaires de Kayanza.

Contrairement aux autres villages, peuplés normalement d’une descendance, Kayanza était un regroupement de plusieurs lignées dont les bagana kilumba en provenance de Manda et Kabundi étaient plus nombreux et occupaient le village du coté de la montagne Kagela tandis que le cartel Bazila Nyoka en provenance de Kamanganda, Ngaga, Kifufu, les Bazila koni de la source de la rivière Kayanza, les Bagambele de Mbundu, les Bagana kitungwa de Kabinda, les Bagana Ngoi de Bugangoy occupaient le côté du marais Ndi-ndindi.

De fois, des différends opposaient les jeunes du village et les batailles s’en suivaient. Si l’établissement scolaire se trouvait du côté de cartel, les magasins et le hangar du coton étaient situés au Kilumba.

Les jours difficiles, personne ne pouvait sans risque d’être battu pénétrer dans le camp opposé.

Mon grand père était le chef du clan des Bagana Mbele, propriétaire foncier de la forêt de Mbundu. Si à la proximité de ses cases vivait son fils biologique Profil, ses autres enfants issus de son frère défunt Kahinga avaient leurs maisons regroupés plus loin.

Il y avait aussi d’autres bagambele à Kayanza qu’étaient Nyembo ya Muteba père de Félix, Chalo Chupa et Ngeleza, Abula Mbwija père de Tengeneza et Lusoni père de Norbert Kiteba et tuteur de Faustin Ambogobogo.

Tous les moyens étaient employés par les prêtres pour imposer la religion catholique. Des fois ils arrivaient à l’improviste s’attaquer aux Banganga ! Casser leurs tambours, tam-tam, confisquer les masques et divers objets qu’ils considéraient comme des fétiches. Des fuites en brousse, des arrestations et des baptêmes forcés étaient fréquents.

L’Abbé Bubende Etienne était maître en ces pratiques.

Le jour de nouvel an 1956 était fêté avec grande faste. A part des grands dîners en famille, nous nous organisions aussi en groupes d’enfants de même catégorie. Nous avions construits des hangars avec des branches des palmiers, où ensemble nous partagions les repas plantureux, avant de participer aux jeux.

Le soir à cause sans doute de consommation d’énormes doses de vin de palme, des disputes se dégénéraient en batailles.

Paragraphe 5 : Les salutations aux autorités à Mbulula,

Au cours de l’année scolaire, sous la conduite de notre ensignant Prosper Kahozi, habillé en caporal, nous partîmes à Mbulula saluer le nouveau chef de poste, Monsieur Lothaire.

Je tenais un œuf, alors que mes collègues transportaient divers cadeaux. Nous avions chanté à cette occasion, « Bwana Lothaire mupenzi wetu… », Notre cher Lothaire.

Nous parcourions aussi ce trajet de douze kilomètres pour saluer les missionnaires ou les Abbés. Mbulula n’étant pas encore une Mission, dans nos chansons nous demandions toujours à la fin, que Mbulula devienne une Mission. « Neno la mwisho Mbulula masikini, Kitumaini chetu ni Missioni.  » Ami tu traînes en marchant, mais moi je marche comme un soldat. « Saa yetu ya timia mwalimu Baba, »Notre heure a sonnée papa maître, étaient chantés régulièrement.

Paragraphe 6 : La fin de mon séjour à Kayanza,

Je terminai ma troisième dans une grande allégresse, l’élève Kibaya, fille du capita vendeur Thadée Mutombo était la pemière de la classe, ce qui avait attristé notre collègue Chungu souvent premier, étant donné que quelques jours auparavent ils s’étaient même disputés. Par contre Thadé était tout fier. Il n’y avait pas de quatrième à Kayanza ni à Mbulula et Makutano, centres se trouvant dans la proximité. N’ayant pas été préparé d’aller poursuivre mes études dans des centres lointains, je regagnai Mahundu où une troisième primaire venait d’être ouverte. Mon père m’avait prié d’étudier dans cette classe en attendant de continuer un jour ailleurs au lieu de chômer.

Chapitre 4 : La reprise de ma troisième primaire à Mahundu.

 

Paragraphe 1er : Des changements intervenus,

C’est dans une nouvelle maison que je trouvais mes parents. En effet, un autre bâtiment scolaire était construit au delà des magasins, vers Bigobo. A côté du bâtiment scolaire était construite l’habitation des enseignants. Une seule maison abritait les trois enseignants. Elle avait trois chambres et un salon commun. Le maçon Grégoire construisait les deux autres maisons.

Si l’enseignant Delphin Mbayo à qui avait été confié la 3ème n’était pas encore marié, l’enseignait Théodose avait été rejoint par son épouse : Maman Constance et sa fille Marguéritte. Tous les trois enseignants prenaient ensemble leur repas.

J’étais inscrit en 3ème année et étais le plus jeune élève de la classe. Comme collègues, je me rappelle encore de noms tels que Muyaudi, Moke 53, Kitungwa Kiboko, Kitoko et comme compagnons de jeux j’avais André Mbayo, le neveu de l’enseignant Delphin et beaucoup d’enfants de capitas vendeurs tels que Selemani, Lwaka, Dieudonné.

Je ne pouvais jouer qu’à la cour de l’école, car mon père n’acceptait jamais que j’aille au village. Il arrivait des jours que je trichais en allant jouer dans les hangars du coton.

Paragraphe 2 : La naissance de Dieudonné et de Marthe à Bigobo,

Un jour alors que nous nous étions en classe, je remarquai que mon père et son collègue de la 2ème année s’affairaient à côté de maman Constantia, qu’ils conduisaient à petit pas vers la direction de Bigobo.

Après quelques jours nous apprîmes qu’elle avait mis au monde un garçon, qui reçut le prénom de Dieudonné. Elle n’avait pas encore regagné Mahundu quand avec ma mère et mes petites sœurs, nous la saluâmes à la résidence de l’opérateur économique Kitambala ya Luvungu et vîmes son bébé.

Ma famille logea chez papa Brique Kisebwe. Je ne connaissais pas le motif véritable de notre déplacement. Cependant je me rendis compte de l’absence des parents à la maison au moment où de partout fusaient les cris de Noël, Noël.

Papa Brique chantait et buvait, il était ivre. Le lendemain mon père nous apprit que maman avait donné naissance à une fille qui reçu le prénom de Marthe en ce 26 décembre 1956. Le nom donné à ma petite sœur était celui de SANGWA, en souvenir d’une parente de ma grande mère paternelle.

Marthe était la quatrième fille et le cinquième enfant de notre famille nucléaire. Plusieurs de ceux qui venaient congratuler ma mère montrèrent leur mécontentement parce qu’ils souhaitaient la naissance d’un garçon ! A la fin des vacances de Noël, nous rejoignîmes Mahundu.

Mon oncle Muloko Muteba aidait ma mère à porter le nouveau né, il avait été complété quelques jours après avec l’arrivée de ma grand-mère maternelle Mazuya Cheusi, accompagnée de sa fille Anzilani Maganga.

Paragraphe 3 : Diverses sanctions en mon encontre,

Certains jours j’étais aussi chargé de bercer l’enfant. Souvent je refusai ou ne le portai que pendant peu de temps.

Un jour occupée à piler le maïs, ma mère me confia l’enfant et m’ordonna de le garder le plus longtemps possible.

L’enfant ne tarda pas à pousser des cris et moi-même voulant rejoindre mes collègues en classe, je priai en vain à ma mère de le prendre malgré mes menaces de le déposer par terre.

Constatant cette sourde oreille, je mis l’enfant par terre et partis en classe.

Mon père ayant appris ce qui s’était passé garda son calme jusqu’au soir. Il m’interdit d’entrer dans la maison. Je devais dormir dehors. A toutes mes justifications il resta imperturbable.

Je pleurais depuis longtemps lorsque soudain l’enseignant Théodose ouvrit la porte.

Il me soumit aux conditions auxquelles je devais souscrire au cas où je souhaitais entrer dans la maison ! Ecrire la phrase suivante : je ne refuserai plus jamais de porter l’enfant et l’affichage de cette note au salon. Ayant rempli ces conditions, j’accédai à la maison.

Le lendemain, ma déclaration fut l’objet de curiosité non pas seulement de nos visiteurs mais aussi de tous les autres membres de la famille. Honteux, je supportai difficilement des mois durant la vue de cette note. Dès que j’avais constaté que l’attention de spectateurs avait diminué, je l’avais arrachée.

Arrangeant son bureau un jour, mon père se débarrassa de tous les anciens papiers, journaux de classe, cahiers de préparation, registres de présence des années antérieures etc… Ayant ramassé un registre de présence, dont certaines feuilles étaient encore inutilisées, mon père me pria de lui dire ce que je voulais en faire. Ne sachant quoi répondre il me frappa avec un bâton.

Pour avoir giflé Joséphine, j’avais été humilié par mon père malgré les supplications de sa belle-mère. En effet, il m’avait d’abord envoyé chercher un bâton, puis m’avait demandé de me dévêtir et se mit à frapper mon corps nu, pour enfin me faire agenouiller en portant un tronc d’arbre dans mes bras tendus au ciel.

Il avait fallu que son ami et frère Medard Mugogwa, capita vendeur de Monsieur Dufour passa à la maison, s’exclama à ma vue en ces termes, Maître un seul garçon et vous le maltraitez ainsi, « Mwalimu ana ko amo mu kasungulula bebyo », pour que la sanction cessa.

Voulait-il par cette punition faire plaisir à maman Constantia qui pleurait parce que j’avais battu sa fille ? De toutes les façons Joséphine et sa petite sœur Marguerite restèrent mes compagnons de jeux, auxquels prenaient aussi part, mes petites sœurs Marie, Elisabeth et mon ami André.

Pendant la récréation, je contemplais le football. Quelques fois des bruits assourdissants accompagnaient des disputes qui se terminaient en batailles. Souvent les élèves Lambert et Muteba étaient les cibles de moqueries car pour l’un comme pour l’autre, les paroles que leurs parents avaient prononcées à certaines occasions étaient imitées.

Ainsi pour Lambert, son père s’adressant à un missionnaire réclamait un médicament par ces termes  » Kakuli Bwanga bwa yeu ? » N’y a-t-il pas un médicament pour celui-ci ? En ce qui concerne Muteba, son père s’était écrié un jour alors qu’il était très malade : Ii Muteba…I Muteba gwa Ngalu ».

Comme mon oncle portait le nom de Muteba je pris l’habitude de le taquiner par le cri de  » II Muteba ». Un jour alors que monsieur Marcel Katumbwe, enseignant de Kahinda, ami de mon père et parent de ma mère nous avait visité, il n’avait pas toléré mes taquineries et permit à mon oncle de me corriger juste avant de manger. J’avais en vain résisté.

Paragraphe 4 : Le travail manuel,

Il avait été instauré une prime de cinq points à chaque élève qui aidait notre enseignant aux travaux de défrichage de son champ.

M’y étant rendu avec tous les élèves de ma classe, je rejoignis après le champ de mon père qui était juste à côté. Celui-ci abattait un gros arbre et m’ayant aperçu, il me réprimanda et m’exigea de rebrousser chemin.

En effet le danger était grand, car l’arbre qu’il abattait, pouvait tomber sur moi.

Un autre travail manuel que nous faisions avait été celui de fabriquer nous mêmes les bancs sur lesquels nous nous assayions. C’est avec Muyaudi et Moke avec lesquels je partageai le banc que nous étions obligés d’aller couper les troncs d’arbre qui nous avaient servis à fabriquer notre banc.

Placé à côté de la fenêtre donnant sur la cour et très habile à copier ce qui était écrit au tableau noir, plusieurs collègues et surtout les élèves des classes inférieures m’admiraient.

Aux examens, j’avais eu des résultats éblouissants.

Paragraphe 5 : La main de Dieu pour mon admission à l’internat de Sola,

Avant la fin de l’année scolaire, il fallait déjà se poser la question de continuation des études. Nous apprîmes qu’à Makutano devaient se dérouler les examens d’entrée à l’école sélectionnée de Sola où il y avait un internat. Seuls les élèves jeunes et très doués pouvaient participer au concours. Notre troisième envoya une délégation de cinq élèves parmi lesquels je m’y trouvais. Un grand élève fut désigné par mon père pour me transporter au vélo.

C’est un après midi que nous quittâmes Mahundu pour Makutano par le sentier de Kahongo. A la tombée du jour, nous descendions la pente de Lubovya dans une vitesse effrénée. Il faisait déjà noir quand nous atteignîmes Kangunga où nous passâmes la nuit. Le lendemain nous reprîmes notre trajet. A peine que nous avions terminé de longer le village, nous croisions une personne qui nous informa que le concours avait déjà eu lieu la veille. Je priai à mon porteur de continuer le trajet au lieu de retourner directement comme mes collègues.

Lorsque nous atteignîmes Kafiyi nous trouvâmes une personne qui confirma la mauvaise information tout en ajoutant que le père Directeur de Sola rejoindra prochainement Mbulula où il recrutera d’autres candidats. Cette nouvelle nous réconforta et nous nous décidâmes à rentrer. C’est le soir que nous arrivâmes à Mbulula et y passâmes la nuit, chez l’enseignant Gervais, originaire de Mahundu.

Ne sachant pas la date exacte fixée pour le concours à Mbulula nous rentrâmes à Mahundu. Quelle ne fut notre surprise lorsque nous apprîmes deux jours seulement après que le père Directeur de Sola était à Mbulula et le concours avait été organisé sans qu’on ait été informé ? Mon espoir de devenir élève à l’école sélectionnée de Sola s’estompa.

Soucieux, je ne connaissais plus où irai-je continuer mes études après la troisième, mais c’était sans compter avec le plan de Dieu.

Un matin, du coin gauche de la cour de l’école, du sentier provenant de Kahongo surgit sur un vélo un prêtre blanc se dirigeant vers notre maison. Il était barbu et autour de son cou pendait un rosaire. S’installant dans la maison où une chaise longue lui avait été dressée, ce recruteur des élèves de l’école régionale de Sola que nous n’avions pas eu l’occasion de rencontrer pour présenter le concours était chez-nous.

Mon père et ses collègues lui racontèrent les circonstances qui nous avaient empêchés de nous présenter au concours. Je fus présenté et constatai qu’il était très frappé par mon jeune âge. Pendant la recréation, il me convoqua et me posa quelques questions avant de m’annoncer mon admission à l’internat de Sola.

Aux examens de fin d’année, je n’obtins pas autant de points qu’aux examens semestriels mais cela ne me préoccupai pas outre mesure car mes parents préparaient déjà mon entrée à l’internat.

Après les grandes vacances vint le jour de mon départ pour l’internat.

Toute ma famille m’accompagna de la maison jusqu’à la route. Au moment de séparation, Mon père posa sa main droite sur ma figure et avec son pouce fit le signe de la croix.

Ma mère et mes petites sœurs sanglotaient. Moi-même je me mis à pleurer. Toute la joie d’aller dans une école réputée je la perdis en ce moment. Mon transporteur me demanda de monter sur le vélo et se mit à pédaler.

Une longue distance m’avait déjà séparée de ma famille alors qu’elle se tenait encore fixe au lieu de séparation. Je ne la perdis de vue qu’au moment où nous atteignîmes un tournant.

Je pensais encore au toit paternel abandonné lorsque nous étions arrivés au-delà de Bigobo et avions croisé un véhicule dont les passagers se mirent à agiter leurs bras en signe des salutations. C’était la famille de mon oncle paternel Sixte, qui après son recyclage à l’école d’apprentissage pédagogique « EAP » de Sola avait été désigné enseignant à l’école catholique nouvellement implantée à Bigobo.

Nous atteignîmes Kayanza tard dans l’après midi et j’y passais la nuit auprès de mes grands-parents. Le lendemain avant de les quitter, mon grand-père me prodigua quelques conseils.

C’est le soir que nous arrivâmes à Sola où les bâtiments, les manguiers, les palmiers, la cour de l’école et les occupants m’enchantèrent.

Je me présentai au bureau du père directeur avant d’entrer en contact avec ce nouveau monde en ce mois de septembre 1957.

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Titre 2 : Interné à l’école primaire sélectionnée régionale de Sola.

 

Chapitre 1er : Ma troisième primaire sélectionnée.

 

Paragraphe 1er : Ma première découverte d’un milieu autre que mon milieu naturel,

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De partout, de cette cour parsemée des manguiers et couverte des feuilles mortes fusait le mot « Mupya », bleu, et toutes les injures s’y rapportant. Je me demandais encore sur le pourquoi de cette hostilité lorsque tout d’un coup une foule m’entoura.

Quelqu’un me demanda d’où j’étais originaire. Je suis de Kayanza lui avais-je répondu. Ah ! Tu es un bleu heureux « upo mupya wa heri »me rétorqua-t-il. Je vis dès lors plusieurs élèves originaires de Kayanza venir m’embrasser. Nestor Mwehu, Cyprien Tengeneza, Edmond Ngoie, Mathieu, Delphin Simba, André Pungu, Athanase Mwehu, Luc Mazuri et tant d’autres.

Tous les bleus sans soutien étaient malmenés, bousculés ou même battus le soir. De temps en temps ils étaient faussement invités à se présenter au bureau pour recevoir les ceintures ou les manuels scolaires. Cette atmosphère dura jusqu’à la fin du mois de septembre.

L’école primaire sélectionnée avait deux classes de

3ème, deux de 4ème, deux de 5ème et une de 6ème. Presque tous les élèves étaient internes et provenaient de différentes missions de vicariat de Baudouinville, d’où le nom de l’école régionale.

Contrairement aux élèves des écoles ordinaires soumis à étudier en septième année après la sixième primaire, les élèves de l’école primaire sélectionnée passaient directement en sixième des humanités.

J’avais été inscrit en 3ème année B de l’enseignant Louis Kingombe, tandis que mon oncle Muteba Muloko entra en 3ème A du célèbre enseignant d’origine tabwa Joseph Kabika, le sacristain, le chargé des filles internes à l’attente du baptême, l’enseignant de la musique et chants religieux et joueur à l’harmonium.

J’avais sympathisé en classe avec Prosper Kinda qui était aussi jeune que moi et avec lequel au réfectoire nous étions à la même table numéro deux. Il était fils d’un capita vendeur de Nonge, originaire de Munyatwa qui s’appelait Costa.

Sola était une mission catholique de pères blancs du vicariat de Baudouin ville, située à 32 Kilomètres de Kongolo, chef lieu du territoire.

Thermomètre de la vie intellectuelle de la région, c’est là qu’avait été formé avant moi mon père, mon oncle paternel Sixte, mes frères Athanase et Stani, mes oncles Cyprien et Prosper etc…

C’est à Sola que les innombrables filles de la région se faisaient baptiser. Ma mère et ses petites sœurs Sylivie et Eugénie, tout comme feu mes tantes paternelles Séraphine Mangaza et Béatrice Pombo étaient de ces filles qui avaient porté le pagne bleue dénommé « sukutu », pendant beaucoup de mois et priaient plusieurs fois par jour le  » Nakusalimu Marie », je vous salue Marie ou bien le « Sala ya kusadiki », Le symbole des apôtres.

Un dispensaire et une maternité servaient une population quasi chrétienne. Les maisons en petites briques rouges cuites, aux toits en tuiles ou en fibro-ciments, une église haute surmontée d’une tour étaient dans une clôture. Tout poussait à l’admiration.

Le révérend père Rome était le supérieur de la Mission, le père Albert Masyn, Directeur de l’école d’apprentissage pédagogique « EAP », le père Van Damme, directeur de l’école primaire sélectionnée et le père Sylvain, économe. Il y avait aussi les abbés Amédée Tambwe et Thomas Mali ya Bwana. Tous ces prêtres parcouraient en conquérants non pas seulement la cité saint Donat/Bruges, Mifutu, Nemba, Kabwibwa, Kilubi, Kalenga, Kateba, Kasanga, Kankunde etc…..villages situés dans la collectivité des Bena Nkuvu mais aussi Mukoko, Nkulula, Nonge, Timpa, se trouvant dans les collectivités de Yambula, Muhoma Kabizya et Muhona Seya.

Le régime alimentaire avait été ma bête noire. Les haricots étaient la nourriture de base, mais hélas la préparation laissait à désirer. Il suffisait pour moi de les voir pour me mettre à pleurer. Lorsque le père directeur fut informé de cette nouvelle, il m’invita dans son bureau un certain midi et me força en vain d’en avaler.

De fois je me débattais dans les mains de Dieudonné Makuwa, capita de ma table parce que me voyant croiser les bras pendant le dîner, il essayait de me nourrir par la force. Prenant la cuillère, il me maîtrisait et m’enfonçait les protides dans la bouche.

Les Mardi, Jeudi et Dimanche, les fretins, les poissons salés ou la viande boucanée d’éléphant « Kaboto », nous était servi. Le Mbengele était notre petit déjeuner par excellence, mais le dimanche le riz aux fretins faisait l’honneur de l’internat.

Le travail manuel s’effectuait tous les après midi. Il consistait principalement à sarcler différents champs et jardins de l’école ou à entretenir les locaux, cours et pistes. Ayant été chantre, je me rendais quand à moi avec mes collègues à l’église pour apprendre auprès de Monsieur Joseph Kabika, l’introït et autres chants pour la messe de dimanche.

Après l’église, il nous était demandé de transporter les régimes de noix de palmes, de notre internat vers le couvent des sœurs dans la discipline. Ainsi, personne ne pouvait manger une noix aussi attirente qu’elle soit. Personne surtout ne pouvait s’entretenir avec une fille et même pas la saluer.

Le règlement était dur et il fallait se soumettre pour éviter toute humiliation ou risquer un éventuel renvoi.

Les noix et les filles n’étaient pas les seules qui tentaient, il y avait aussi ces innombrables manguiers dans la cour de l’école et le long des avenueses avec leurs fruits succulents qui attiraient nos regards surtout après un mauvais dîner.

Les après midi de samedi étaient réservés à la recherche de bois de chauffage dans la forêt. La toute première fois, je partis avec les collègues de ma table dont Gérard, vers la forêt de Mifutu. Je ne parvins pas à rassembler un gros fagot. Rentré tard dans la soirée, je fus accueilli par les rires moqueurs de certains élèves.

 

Paragraphe 2 : Ma première communion,

A mon admission à l’internat, je ne communiais pas encore. Je trouvai le père directeur et lui exprimais mon souhait de recevoir le christ sous forme de pain. Très content, le père Van Damme me recut chaque soirée dans son bureau pour réciter des prières et bloquer le catéchisme. A la Toussaint je retenais déjà toutes mes leçons mais le père ne me permit pas d’approcher le calice.

Je continuais à suivre les enseignements jusqu’au jour où il m’a été rapporté qu’à Noël, le Christ sera en moi. Ma joie avait été grande et jour après jour, je comptais l’approche de cet événement. Mais hélas, une semaine avant la fête, le père directeur fut désigné pour aller célébrer la messe à Nonge. Un doute pesa sur moi qu’il lèva heureusement avant de partir, en m’administrant le sacrement de pénitence.

Le jour de nativité, lorsque les cloches tintèrent à 23 heures 30’ mon cœur se mit à battre. Je me lèvai, allai me laver et dans une joie inextricable je partis à l’église. Le Kyrie fut entonné suivi de Gloria, puis c’était au tour de Crédo, la Consécration et l’Agnus Dei, cette chanson prière qui précède la communion. Dans une concentration sans pareille, je me mis à marcher pour approcher la table de communion.

Le révérend père Rome, Supérieur de la Mission me tendit mon premier Christ, qu’il posa sur ma langue. Je sentis comme si réellement un corps était mis dans ma bouche et c’est aux pas lents que je regagnai ma place, récitant l’ave Maria.

 

Paragraphe 3 : Les vacances de février 58,

Les vacances de février arrivèrent et Senga un jeune homme de Mahundu, envoyé par mes parents vint me prendre.

Arrivé à Kayanza je rencontrais mes oncles venus de Kalwamba pour m’amener avec eux alors que d’autre part mes grands parents paternels souhaitaient me retenir quelques jours chez eux. Je préférai rejoindre Mahundu le lendemain et y arrivai dans l’après midi.

Je trouvai mon père assis sur une chaise devant la maison. Il ne sembla pas s’émouvoir à ma vue. Je le saluai puis allai saluer l’enseignant Théodose chez lui. Lorsque ma mère et mes sœurs me virent, elles se précipitèrent vers moi et m’embrassèrent fortement.

Aussitôt installé, Marie sortit de la chambre avec une boîte noire, je me demandai ce que s’était et découvris à la vue des aiguilles et des disques, qu’il s’agissait d’une phono, un bien de luxe pour lequel ma famille était fière.

Notre maison attirait ainsi le public friand des nouveautés de Jean Bosco Mwenda et tant d’autres vedettes !

Les matins, alors que mon père et mes petites sœurs soumis au régime trimestriel allaient à l’école, je restai jouir de tous les plaisirs inexistants à l’internat. Pendant la récréation certains élèves curieux venaient m’admirer et parfois timide, je fermais la fenêtre pour les pousser à se retirer.

Je passai deux semaines d’agréables vacances pendant lesquelles ma mère m’entoura d’une tendresse remarquable en satisfaisant à mes plaisirs gastronomiques.

Le jour de retour à l’internat, larmes aux yeux je me séparais de ma famille. Durant le voyage je méditais et sanglotais. Je ne retrouvais ma joie qu’à la vue de mes collègues de l’internat.

 

Paragraphe 4 : Les faits vécus au deuxième semestre,

Au cours de ce second semestre à peine commencé survint un incident. En effet, au retour de vacances, les élèves apportaient de chez eux quelques aliments, tels que la farine grillée « bunga bwa ntema », la viande boucanée, le riz, les arachides etc. Je ne fis pas excéption à cette tradition, et un panier de la farine grillée avait composé mes bagages. Presque tout le monde en apportait mais ma farine était particulière parce que ma mère y avait songé d’y mettre du sucre. J’enregistrais par jour plusieurs demandes, satisfaisais aux unes et refusais aux autres.

Un jour après le dîner, je pris de mon cher panier une petite quantité de farine que je partageai avec plusieurs collègues. Athanase Mwehu était présent et tenait à prendre du panier une quantité qu’il allait seul consommer. Je refusai de lui accorder cette faveur, mais faisant la sourde oreille il s’avança vers mon panier et se mit à se servir.

Dans un geste décidé je tenai en vain de lui arracher mon panier et fus bousculé. Me trouvant en légitime défense, je réagis en le frappant à la bouche avec la fourchette que je tenais à la main. Poussant un cri pour avoir perdu une dent, il se retira, entouré par des curieux.

Comme si rien ne s’était passé, je partis directement en classe d’où j’avais été convoqué par le père directeur qui m’administra une sérieuse raclée malgré mes explications.

A tous ceux qui voulaient me convaincre sur l’aide que je devais apporter à ma victime, je me défendais que cela était une juste punition que devait subir celui qui négligeait un plus petit que soi et que j’étais prêt à répondre à toute convocation du Parquet.

Pendant les vacances, mon grand-père et papa Sixte qui étaient informés de cet incident, m’avaient exigé des explications que clairement je leur avais fournies.

Une ou deux fois par semaine, le camion de l’internat allait à Kongolo s’approvisionner. Pour des motifs divers quelques élèves obtenaient l’autorisation de prendre place abord de ce véhicule.

Un jour avec mes collègues Simba Mwehu et Maongezo décidés de connaître le chef lieu du territoire, nous ne nous présentâmes pas aux cours. Ayant été à l’attente du véhicule, nous fûmes surpris par le cuisinier de la mission qui nous apprit que le prêtre était déjà parti.

Nous rendant compte que nous avions manqué les cours sans motif et pris de panique nous allâmes nous réfugier vers la rivière Lufuando.

Visitant les travaux de fabrication de bétons, la plantation du café, le jardin et les champs de manioc, fruits des travaux inlassables des élèves internes, nous étions sur le sentier de retour bordé d’innombrables palmiers et décidés à nous présenter aux cours de l’après midi, lorsque nous eûmes peur à la rencontre de nos collègues allant puiser de l’eau.

Pénétrant en brousse, d’innombrables branches nous barraient le passage et des affreux bruits forestiers nous faisaient frissonner et nous poussaient à réciter instinctivement en chœur, le chapelet de la Vierge Marie.

Nous craignions les hommes, les serpents, les carnivores, les insectes et même les épines vénéneuses qui piquaient nos pieds nus. Nous y restâmes pendant des longues heures, voisins des gros serpents.

A la tombée du soleil, nous eûmes le courage de sortir de notre cachette pour regagner l’internat où tous les élèves, d’un ton pitoyable, commentaient sur notre disparition.

Notre apparition au lieu de causer leur dédain aiguisa leur curiosité. Nous racontâmes sur notre séjour en brousse en nous faisant entrecouper par des rires. Nestor qui était mon protecteur s’avança enfin pour me retirer de la foule. Il me conseilla et me pria à jurer de ne plus jamais faire l’école buissonnière.

Remarquable par mon éloquence j’étais à plusieurs reprises retenu comme acteur pour animer les festivités en l’honneur du père supérieur, du père directeur ou d’un évènement important.

Le rôle du père Van Damme exorciseur m’avait été attribué dans une pièce qui avait connu un très grand succès. Le révérend père, très satisfait, me fit habiller en soutane, une semaine après pour me photographier, bras tendus au ciel en train d’implorer Dieu à sanctionner les sorciers qu’étaient les acteurs Kirongozi Kahozi et Evariste Mulembo. Ceux-ci se déplaçaient par les bras et leurs jambes étaient en l’air. Je n’étais cependant pas content de poser sans mes pantoufles qu’on ne me permit pas d’aller chercher au dortoir.

Si dans cette pièce, l’enseignant Kabika Joseph était mécontent de l’élève Simba l’ayant representé qui n’était pas capable de chasser les sorciers mais putôt les avait fui, l’enseignant Zacharie quant à lui réclama le renvoi de l’élève Leonard de l’école d’apprentissage pédagogique « EAP », réalisateur de la pièce dans laquelle il ‘avait été imité en état d’ivresse.

Le public avait été aussi égayé par la récitation de l’élève Raphael Mungomba de la 5ème primaire, tiré de J’apprends le français et inutile, « Que ferai-je plus tard » ?

Ayant un jour marché pendant la récréation, sur un clou fixé à un morceau de bois, j’échouai d’atteindre la salle de classe et attendis l’enseignant qui vint me l’enlever de mon pied droit.

Le père directeur s’occupa à m’administrer les soins appropriés pendant des longues semaines. Il m’entourait des tendresses paternelles. En revenant des vacances, mes parents lui envoyèrent une poule et quelques œufs. Malheureusement la poule ne supporta pas le long voyage et seuls les œufs arrivèrent à leur destination.

Avant la fin de l’année scolaire je connus le malheur de perdre mes deux culottes et deux chemises que j’avais exposées après nettoyage, tout près de la menuiserie. Je ne les avais pas retrouvés et restai dans une carence remarquable d’habits qui me fit ramasser une vieille culotte kaki d’uniforme qui traînait dans un local. A force de la garder au corps, les poux s’y étaient réfugiés.

Jamais pendant les vacances je n’avais informé mes parents de cette perte, au contraire je m’arrangeai à perdre la clé de ma valise afin qu’un curieux ne se rende compte de ma pauvreté.

La nouvelle d’un docteur mystérieux qui rendait stériles les internes par une injection à l’ombilic défraya la chronique. Tantôt on nous informait que cinq cent pensionnés avaient été rendus stériles à Kongolo, tantôt c’était mille à Manono ou à Lubunda.

Nous dormions dans la peur en nous nouant autour du ventre un linge qui empêcherait au docteur de nous opérer pendant notre sommeil.

Nous étions devenus méfiants de notre directeur, quoique prêtre et certains élèves avaient quitté l’internat pour rejoindre leur village où ils seraient en sécurité.

 

Paragraphe 5 : Mon admission dans le mouvement Xavéri,

Il existait un mouvement Xaveri à l’internat dont l’aumônier était le père Directeur. Je lui présentai ma demande d’admission qu’il repoussa. Je ne me décourageai pas et insistai à formuler mon désir.

Un dimanche, l’aumônier me présenta à tous les Xavéris. C’est dans l’équipe de Gérard dont le patron était Saint Pierre que j’avais été incorporé. Notre assistant s’appelait François Kahundu et le chef de troupe Alexandre Kapampa.

Depuis lors, au lieu de me promener librement les dimanches, j’assistai aux réunions du mouvement et exécutai avec mon équipe au moins une action de charité envers les pauvres.

Il se passa même des semaines ou je fus occupé avec quelques collègues à construire une case pour l’ancien combattant Jean Kilula à Kasanga. Nous lui puisions de l’eau potable et cherchions des fagots de bois pour sa cuisine.

Lorsque chaque fois notre CP, à haute voix criait, ‘’Saint Pierre toujours’’ ? Nous répondions ‘’Vigilant.’’

Nous apprenions des chants et les règles du mouvement. A la fin des réunions, l’assistant sifflait et tous ensemble nous marchions derrière nos tambours et fanions, chantant et dansant, puis nous formions un cercle.

Après les conseils de l’aumônier nous chantions ‘’E Mungu Baba yetu », Dieu notre Père. Les jours que nous faisions de longues marches, fatigués, nous chantions « Muchoko, wa xaveri wachoka » ; fatigués ! Les xavéris sont fatigués ! J’excellai bien dans tous les enseignements et mon nom figura parmi les premiers Xavéri de Sola qui devaient avoir la croix d’argent.

Je prêtai serment en jurant un dimanche après midi dans l’église de la mission, devant un public nombreux, d’observer soigneusement toutes les règles du mouvement.

 

Paragraphe 6 : Les filles à la recherche du baptême,

Sola possédait un internat pour garder toutes les filles de la région qui tombaient amoureuses de la religion catholique. Plusieurs parmi elles y étaient internées à l’encontre de la volonté de leurs parents, frères ou fiancés.

Certaines parcouraient à pied des centaines de kilomètres, rien que pour troquer leur nom ancestral à celui trouvé dans le livre des saints. De retour dans leur village, elles racontaient à qui voulait les entendre tout ce qu’elles avaient en mémoire sur les rites et cérémonies de Noël, Pâques, Assomption et Toussaint ! Leurs récits attiraient leurs petites sœurs, amies et connaissances qui faisaient tout pour acquérir le statut semblable.

Les enseignants de différents villages participaient à la réalisation de tels projets en prêchant et convainquant les païens au sujet d’innombrables merveilles du monde avenir qui sera patronné par Jésus. Des miracles réalisés par Jésus et ses disciples et surtout le décor de l’enfer où seront jetés les païens, contraste du ciel, endroit réservé aux seuls baptisés rendaient irrésistibles l’envie de rejoindre la mission de Sola.

Très sensibles, les filles emballées par les enseignements quittaient en groupe leur village pour ce lieu où était distribué le passeport d’entrée au ciel.

Les enseignants facilitaient leur déplacement. Ils hébergeaient et nourrissaient les fuyardes tout le long de l’itinéraire. Le lieu de cachette demeurait inconnu aux parents affligés, qui sillonnaient en vain, pistes et sentiers des savanes et ténébreuses forêts.

Arrivées à Sola, ces filles étaient alors en sécurité, elles remettaient en consignation à la mère supérieure leurs habits en échange du célèbre pagne bleu appelé « Sukutu ». Le règlement de l’internat leur était présenté et commenté de long et en large.

Personne alors ne pouvait parler à une fille sans autorisation du père supérieur et de la mère supérieure.

Mahundu avait beaucoup de ses filles à Sola. Un dimanche j’obtins l’autorisation de les visiter. Nous causâmes de la vie dans nos internats et lorsque le sifflet retentit pour nous séparer, presque toutes m’invitèrent à la prochaine visite.

A cette autre visite chacune me remit de l’argent pour lui acheter divers articles tels que le chapelet, la médaille, la croix etc… au magasin de la mission. Je devais leur ramener ces articles à la visite suivante, mais hélas un malheur m’arriva.

En effet, je n’avais pas encore acheté les articles commandés lorsque je trouvais un après midi, ma valise ouverte et mes objets en désordre. Après quelques recherches je remarquai que la somme qui m’avait été remise avait été emportée.

Je menai à l’aide de mes copains une enquête pour retrouver le voleur mais en vain. Je soupçonnai Kiboko, originaire de Mahundu qui avait été avec moi à l’internat des filles, mais il me manquait des preuves.

Le courage d’aller annoncer cette triste nouvelle me manqua. Honteux, je n’avais plus révu ces chercheuses de baptême.

 

Paragraphe 7 : Le refus de manger les haricots mal préparés,

Tout commença à midi lorsqu’en entrant dans le réfectoire avant même que la prière soit entonnée, une voix clama « Mahalaki ni mubichi », les haricots ne sont pas bien cuits. D’un coup, de partout le monde répétait cette phrase et une ruée vers l’extérieur s’en suivit dans les bruits terribles.

Le père Directeur entendit ces cris à la mission où il dînait et vint sur le lieu où malheureusement son apparition aggrava le tumulte.

Prenant une cuillère, le père Van Damme goûta lui-même ces haricots déclarés non cuits convenablement et d’un geste il apprécia ces protides qu’il déclara bons. Les élèves le huèrent tellement qu’il s’énerva.

Il rentra à la mission puis revint pour nous annoncer qu’il n’y aurait pas cours dans l’après-midi.

L’enseignant Ngoy Raphaël chargé cette semaine de diriger les travaux manuels devait nous conduire aux champs.

Il était quatorze heures lorsque les élèves portèrent aux épaules leurs houes et se dirigèrent aux champs sous les rayons solaires ardents. Au lieu de cultiver, les punis se mirent à déterrer les racines de manioc qu’ils broutaient dans une grande joie sous le regard indifférent du contrôleur :  » ventre creux n’a point d’oreilles ».

Lorsque le prêtre se rendit aux champs pour contôler l’évolution du travail, il fut accueilli par les huées indescriptibles et rebroussa chemin.

Au souper, les élèves se révoltèrent de nouveau, ce qui poussa les autres prêtres de mission de se mêler à cette affaire pour obtenir le dénouement. Des conseils furent prodigués aux élèves toute cette nuit noire et le lendemain des décisions graves tombèrent, dont la plus importante avait été celle du licenciement de l’enseignant Raphaêl Ngoy déclaré meneur.

Cet enseignant de la 5ème aux allures révolutionnaires quitta l’école sélectionnée de Sola pour les milieux lointains..

Le jour de la proclamation solennelle de résultats de fin d’année scolaire, j’assistai, visage renfrogné et ne repris la bonne humeur que lorsque j’entendis citer mon nom à la 7ème place avec 72%.

Cette réussite avait démenti la constatation générale selon laquelle, les enfants des enseignants étaient inintelligents et inaptes aux études.

Plusieurs élèves quittèrent l’internat dès après la proclamation. J’attendis quant à moi le bus qui devait venir le lendemain.

 

Paragraphe 8 : Mon voyage par bus de Demos-Macris de Sola à Bigobo via Mbulula,

Je pris le lendemain le bus pour Kongolo. Grande avait été ma curiosité au cours de ce voyage qui m’amenait pour la toute première fois au chef lieu du territore. Le bus atteignit le pont du fleuve Congo vers 17h 30’ et s’arrêta pour laisser passer d’abord une auto drésine avant de s’engagea dans le pont. J’admirais l’immensité et les grondements des eaux de la Lualaba.

Il faisait encore clair quand l’autobus s’stoppa devant la maison de Demos Macris, son propriétaire. Je méditai sur la grandeur, l’aspect des rues et la présence remarquable de la population de la race blanche, lorsque Cléophas et Norbert, finalistes de l’EAP qui étaient aussi dans le bus me firent descendre en me demandant où irai-je dormir.

Je ne connaissais personne dans ce Kongolo encore étrange pour moi et les suivis.

Nous traversâmes sentiers, rues et avenues avant d’arriver à une maison à la cité Kangoy où nous fûmes accueillis. Après avoir mangé nous échangâmes des informations. Lorsque sonna la sirène, il était 21 heures, l’heure obligatoire pour s’enfermer dans sa maison jusqu’au matin.

Seuls les policiers circulaient la nuit. Ainsi aux bruits des bottes nous éteignions la lampe de crainte d’être arrêtés.

Le lendemain nous fîmes quelques promenades dans la cité Kangoy. Je constatai l’importance du sinistre qui avait lieu, à la vue des véhicules pleins des bambous et des bottes de chaume apportés de différents coins du territoire pour la reconstruction des maisons incendiées.

Le soir au salon nous avions aidé le propriétaire de la maison dans la recherche de son livret de campagne de coton tout en causant avec sa fille Sumbukeni.

Tôt le matin nous quittâmes la cité Kangoy pour la résidence de Demos Macris où le bus était programmé à effectuer le trajet Kongolo-Bigobo.

Norbert et Cléophas m’aidèrent à transporter de temps à autre ma valise lourde. Nous atteignîmes le quartier commercial, puis la maison de Demos Marcris où tout en achètant mon ticket, je m’étonnai de voir les pintades domestiquées.

Le bus quitta vers 9 heures et quelques minutes après nous longions le prestigieux pont de Lualaba se trouvant près des portes d’enfer. A chaque arrêt il y avait des entrées et sorties. Cléophas et Norbert descendirent à Mbulula et me confondant dans les remerciements je leur souhaitai une bonne séparation.

J’avais continué jusqu’à Bigobo, village situé à 82 km de Kongolo et avais été accueilli par maman Valériane. Déjà le soir la nouvelle de mon arrivée à Bigobo était connue à Mahundu d’où quelqu’un avait été dépêché avec un vélo pour me prendre.

 

Paragraphe 9 : Ma circoncision à Bigobo pendant les Grandes vacances de 1958,

Après quelques jours des vacances, mon père me prit pour Bigobo chez son petit frère Mwalimu Sixte qui y enseignait dans une école primaire catholique nouvellement installée. Maman Valériane était son épouse, pendant que Louise et Dephin étaient leurs enfants.

Le collègue de mon oncle paternel s’appelait Monsieur Emile Katumbwe. Il avait une phono que son fils ainé Urbain maniait et égayait le public par les belles nouveautés de cette période dont ‘Oh Marie Kalamba’’et la mélodie d’une chanson qui semblait dire » Manyumba yote ina lungula … », toutes les maisons sont brûlées ! Allusion faite à l’incendie de la cité Kangoy à Kongolo.

La nuit, nous entendions les pleurs de Raymond, l’enfant de maman Mathilde et papa Emile que papa Sixte avait surnommé « Manyumba ».

Le jour anniversaire de la fête de Saint Sixte, mon père me pria de prendre un pagne et m’amena au dispensaire, où, dans une salle on me fit monter sur un lit assez haut.

L’infirmier Amosi, se présenta avec une paire des ciseaux dont il se servit pour m’enlever le prépuce. Transporté dans une autre salle, j’attendis quelques heures en gémissant de temps en temps à cause de la douleur puis, je fus autorisé à regagner la maison.

Chaque matin je me rendais au dispensaire pour recevoir les soins et les conseils que je respectais difficilement. Il m’arrivait même de me lancer dans des jeux violents, raison pour laquelle ma plaie qui commencait à se cicatriser se remit à saigner, ce qui irritait mon père.

L’enseignant Jean Bendera de Mpala envoya à cette même période son fils aîné Patrice pour encadrer ses petits frères Michel et Barnabé qui avaient été aussi circoncis et avec lesquels je partageais une même case.

Je ne rejoignis Mahundu qu’après la cicatrisation complète de ma plaie et y restai jusqu’à la fin des vacances.

 

Chapitre 2 : Ma quatrième primaire sélectionnée.

 

Paragraphe 1er : Inscrit en 4ème B,

A la rentrée scolaire j’entrai en 4ème B du nouvel enseignant Kayuya Grégoire, venant de terminer se études au groupe scolaire de Baudouiville. Mon oncle Muloko Muteba entra quant à lui en 4ème A de l’enseignant Mashini Wenceslas.

Du bâtiment en toit de pailles où j’étais en 3ème B, je rejoignis le bâtiment au toit en tuiles et de style médiéval.

Monsieur Grégoire introduisit le système des interrogations hebdomadaires et affichait les résultats afin de stimuler les élèves.

Mes collègues de classe s’appelaient : Prosper Kinda, Valentin Mugeya, Busili Kinda, Masinda Makengo, Kishabongo, Mabaka Désiré, Mutindi Augustin, Firmin Pitonsi, Gosense Muswani, Pungue Michel, Sehemu Pierre, Kagumbu Mathieu et tant d’autres.

Nous entretenions une atmosphère gaie. Une prise de bec m’amena un jour à me battre contre Kishabongo sous les sifflements et hurlements des autres. Il m’arrivait souvent de me disputer avec mon ami Prosper, mais notre amitié renaissait aussi vite que possible.

Prosper, mal conseillé et démotivé, lâcha petit à petit prise. Faux malade, il finit par déserter l’internat et s’élimina du dur combat de l’acquisition de la science.

Je continuai dans une ardeur virile à endurer les peines et fus gratifié par une réussite à la fin de l’année scolaire.

 

Paragraphe 2 : Le Baptême de plusieurs collègues,

Cette année fut baptisé plusieurs de mes collègues qui reçurent les prénoms catholiques. Ainsi mon oncle Muloko devint Théophile tandis que Maonyesho, Busili, Masinda, Kishabongo, Gossens. Apasuke, Mawazo Kaya, David Kigwezya, Kiboko Kitungwa, Simba Mwehu, Trangen, Sadiki Lwamba, Musafiri Beya, Kalume, Kayumba Shabani, Koli Mambo, Ilunga Mastuke et Nyange Lieutenant s’appelaient desormais Gaston, Gérard, Alphonse, Télésphore, Ildephonse, Jean Joseph, Gaston, Jean Marie, Ernest, Florentin, Bénoît, René, Jerôme, Bernard, Gilbert et René. Plusieurs fois j’indisposai l’un ou l’autre pour l’avoir appelé à son nom païen.

 

Paragraphe 3 : Les amitiés avec les externes,

Je me familiarisai aussi avec les élèves externes et plus particulièrement les jeunes de la cité Saint Donat. Plusieurs m’envoyaient des lettres pour me demander de devenir leur ami. Jean, fils du capita vendeur Lowa et Michel Kaniki devinrent mes amis. A plusieurs reprises Michel m’invitait lors des promenades de mercredi et dimanche à visiter leur champ. Il me donnait des arachides, des épis de maïs ou des papayes. Plusieurs de mes collègues avaient aussi contactés de tels genres d’amitiés dont l’issue était parfois malheureuse. Ainsi on pouvait passer de l’amitié à l’inimitié très déclarée. Je mis fin malignement à mes amitiés en ne me présentant plus à tous les rendez-vous.

 

Paragraphe 4 : La dernière année de l’EAP,

Cette année était aussi la dernière de l’école d’apprentissage pédagogique « EAP ». Messieurs Nestor Tambwe et Zacharie Kasengeneke étaient les derniers professeurs de ces grands élèves. Le père Albert Mazyn désigné inspecteur diocésain avait laissé la place au père Boulanger, un prêtre belge originaire de Charleroi, très fort en dessins artistiques.

Il avait merveilleusement dessiné plusieurs motifs aux vitres de la chapelle qui venait d’être ouverte à l’internat.

Ce prêtre possédait aussi plusieurs objets merveilleux, tel qu’une statuette de la Vierge Marie qui chantait l’Ave Maria et un appareil de projection.

Sa maman en provenance de la Belgique avait séjourné à Sola pendant quelques jours.

Il y avait aussi cette année le frère architecte Patrice qui poursuivait des travaux d’installation électrique à l’internat où les lampes à pétrole avaient cédé à la lumière électrique que nous appelions « stimu ».

 

Paragraphe 5 : Malade des yeux et mauvais acolyte,

Je connus cette année le mal des yeux. Le matin lorsque le père Van Damme nous réveillait par un coup de sifflet strident afin que nous puissions rejoindre la rivière en courant pour nous laver, je ne savais pas ouvrir les yeux et me débattais comme un aveugle pendant un bon nombre des minutes.

Un jour pour éviter d’aller à la rivière, je m’improvisais acolyte et allai à l’église de la mission. Le père Sylvain est celui que je devais secourir. Je réalisai ce jour là qu’entre la théorie et la pratique la différence était énorme.

Je connaissais en fait toute la théorie pour servir à la messe mais hélas devant l’autel je confondis beaucoup de choses à telle enseigne que le prêtre commença à se servir lui-même. Il cherchait ainsi l’eau et se versait.

Dès la fin de la messe, j’enlevai rapidement la soutane et sortis en me disant que ce prêtre ne me connaissant pas et qu’ayant servi dans la sacristie à un autel secondaire, personne ne m’avait identifié.

 

Paragraphe 7 : Mes grandes vacances partagées entre Mahundu et Kananga- lez- Mukolo,

Les grandes vacances de 1959 je trouvai à Mahundu, ma famille agrandie par la naissance de Faustin, un garçon né le 15 février 1959 après quatre filles.

Cette naissance avait réjoui la famille dont mon père au-delà du prénom Faustin ajouta Déogratias, merci à Dieu. Le nom LUMBU PILIPILI, du grand père paternel lui avait été attribué.

Je quittai sans tarder Mahundu pour Kalwambwa d’où avec Théophile nous allions visiter la tante maternelle Eugénie à Mukolo.

Il faisait encore noir, lorsque de Kalwamba nous avions longé le raccourci passant directement par Kasesa. Nous nous déplacions si vite que nous marchâmes dans la rivière Luvilu sans eaux pour nous retrouver à la maison de la grande tante maternelle Mbombo.

Quittant Kasesa, nous comptions dîner à Kilembwe chez mon arrière grand-mère maternelle, babu Ngulu que malheureusement nous ne trouvâmes pas à sa résidence. Mariée à Abati, elle avait donné naissance à Mazuya Cheusi mère de ma mère Modesta Ndiba, mais aussi à Feza, Mbombo, Kitambala et enfin à Mayani.

Partis de Kilembwe, après avoir dépassés Munyatwa nous nous trouvâmes en pleine forêt réputée hantée par divers esprits malins, puis traversâmes la rivière Nzova. Il était déjà midi lorsque mon oncle m’apprit que nous étions arrivés dans le village natal de ma mère où nous saluâmes certains parents avant de continuer notre voyage vers Kananga où la famille du mari de ma tante maternelle venait de s’installer.

Treize heures étaient déjà passées quand nous attegnîmes la case de ma tante. Tous ses enfants étaient là, ils répondaient aux noms d’Alex, Hortense, Gaston, David et Marcelline. Son mari s’appelait Protazi, il s’était déplacé pour Albertville, nous avait-on dit, à la recherche des marchandises.

Dès le lendemain nous allâmes contempler les squelettes des éléphants abattus lors du feu de brousse et avions été frappés par leur gigantisme.

Nous restâmes à Kananga pendant deux semaines au cours desquelles nous aidâmes ma tante dans ses travaux de triage de coton.

J’étais content d’avoir visité Mukolo, habité auparavant par mes grands parents maternels car c’était de ce village que ma mère était allée au marché de coton à Kayanza où mon père s’était intéressé à elle et avait décidé de se marier à elle.

C’est à Mahundu que je terminai mes vacances aux côtés de mes parents.

 

Chapitre 3 : Ma cinquième primaire.

 

Paragraphe 1er : Les mutations,

Beaucoup des mutations avaient lieu cette année. En effet, la suppression de l’EAP, avait fait bénéficier à notre école primaire sélectionnée, à laquelle le père directeur Van Damme avait donné le nom de Charles Lwanga en souvenir des jeunes martyrs ougandais canonisés, tous ces bâtiments neufs aux toits en fibro ciment. L’internat abandonna ces anciens bâtiments en tuiles à l’école primaire ordinaire de la Mission.

Le père supérieur Rome ayant été chargé d’implanter la mission de Mbulula, il avait été remplacé par le révérend père Joseph Deagre. Le tumultueux père économe Sylvain était aussi muté.

Les travaux de construction du nouvel hôpital avaient pris fin, il en avait été de même du bassin de natation. Celui-ci était devenu un grand lieu d’attraction des élèves internes.

Au couvent de sœurs, la paille avait été remplacée par les tôles à toutes les constructions et l’électricité y avait été installée.

Notre directeur, le révérend père Van Damme avait acquis une splendide moto qui lui permettait de se rendre régulièrement à Kongolo au lieu d’attendre le programme du véhicule de la mission.

 

 

Chapitre 2 : Inscrit en 5ème B,

 

J’entrai en 5ème B, classe de monsieur Nestor Tambwe, ex- enseignant à l’EAP. Avec ses Gaston Kusuba, Gérard Kinda, Jean Félix Nyembo, Désiré Mabaka, Augustin Mutindi, Michel Pungwe, Pierre Sehemu, Grégoire Kahozi etc…notre classe était agitée.

Le père directeur passait de temps à autre menacer certains de renvoi.

De petits groupes s’étaient formés entre copains, par-ci le trio Alphonse-Gérard- Gaston de la 5ème B et leur ami Jean Joseph de la 5èmeA, par là, le duo Augustin Mutindi-Désiré Mabaka qui se surnommait « New-york ». Je me promenais quant à moi avec Evariste Mulembo, Antoine Sangwa ou Florentin Trangen.

Chaque première heure de cours de l’après midi, les élèves de la 5ème B entraient dans la classe de 5ème A, de l’enseignant Léonard Muyumba et ensemble avec les autres ils apprenaient la leçon de Causerie contenue dans le livre de « Usikie Habari ». Je somnolais parfois pendant ce cours et comme j’étais au premier banc, l’enseignant me réveillait par un coup de poing à la tête.

Nous dormirons à 20 heures, après une brève conférence et la bénédiction du père directeur, mais avant cela nous jouions différents jeux et des fois nous nous battions.

 

Paragraphe 3 : La pêche sauvage aux étangs,

 

A l’occasion des festivités commémoratives du 50ème anniversaire de la fondation de la mission de Kongolo, une délégation conduite par le père directeur s’était rendue à Kongolo. Malgré ma demande, je n’avais pas été retenu dans ce groupe.

Ayant été autorisés d’aller pêcher aux étangs, plusieurs internes s’armèrent des hameçons. Je n’avais pas d’hameçon et n’étais pas attiré par la pêche. Lorsque le soir en guise de distraction j’y étais allé, j’avais trouvé que la pêche s’effectuait dans une allégresse inhabituelle.

Chaque fois que quelqu’un jettait sa ligne dans l’eau il en tirait un tilapia. « Tout qui est bien ne finissant pas toujours bien ». Voilà qu’un élève au lieu de rester au bord de l’étang plongea pour attraper le poisson qui voulait se sauver et en remontant il avait trois poissons. Un autre fit autant et c’est fut la ruée générale. Même ceux qui n’avaient pas d’hameçons entrèrent dans l’eau et pêchèrent à la main.

Chacun se facilitait d’avoir réalisé un bon exploit et rentra à l’internat où il raconta à qui voulait l’entendre ses aventures.

Le lendemain après le petit déjeuner, le bruit courait que certains élèves étaient envoyés d’urgence transporter les poissons morts dans l’étang.

En effet, l’eau étant devenue boueuse, les poissons avaient manqué des bonnes conditions pour respirer et moururent en masse.

La panique était générale dans l’internat parce que chacun se voyait menacer d’être renvoyé au retour du père directeur et par conséquent essayait de supprimer tout indice de sa culpabilité. Personne ne voulait plus dès lors parler de la pêche de la veille.

 

Lorsque la délégation rentra de Kongolo, elle apprit avec tristesse la nouvelle des dégâts occasionnés suite à la mauvaise pêche. Le père directeur sanctionna certains collègues mais personnellement étant connu désintéressé habituellement à ce genre d’activités je ne fus pas soupçonné d’y avoir participé et personne ne m’avait cité.

 

Paragraphe 4 : Mon refus d’être fouetté,

Après les sanctions infligées à l’occasion du pillage des étangs il y avait eu d’autres cas dans lesquels j’avais été concerné.

D’abord, surpris un jour pendant l’heure d’étude en train de parler à mon voisin, le père directeur m’avait invité à son bureau où il m’avait administré une raclée qui m’avait fait décider de ne plus y mettre mes pieds.

Après ce cas, voilà qu’une autre invitation à me présenter au bureau intervint.

En effet, dégoutés à faire les mêmes itinéraires et contestant la promenade en groupe et l’interdiction d’entrer dans les villages, plusieurs élèves préféraient admirer le chef d’œuvre de la nature, qu’était la forêt où les fruits du travail manuel qu’étaient les champs des maniocs. La gastronomie trouvant sa place, ils rentraient le soir, porteurs des noix de palme, des épis de maïs, des mangues, des racines de manioc etc …Le directeur finit par connaître ces habitudes.

Un jour après un mauvais dîner, j’avais fait partie de visiteurs des champs de manioc et ventre rempli, je rentrai en groupe, racontant des anecdotes où je mettais en cause le père directeur. Tout le monde riait aux éclats.

Juste à l’endroit où la piste débouchait sur la route, je me trouvais nez à nez avec le révérend père. Aucun de mon groupe ne pouvait se soustraire. Le prêtre nous dévisagea individuellement et à ma vue il s’écrira, ‘’Maloba évidemment’’ et nous pria tous d’aller l’attendre à son bureau.

Nous l’attendîmes pendant longtemps avant de le voir venir en compagnie d’autres maraudeurs. Ce soir, nous avions été privés de souper, et condamnés à recevoir vingt coups de fouet ou payer 20 frs.

Avoir 20vingt frs et les donner au prêtre parce qu’on avait mangé les racines de manioc était inimaginable pour un fils d’un agriculteur, quelqu’un qui a grandi près d’un champ. Le père directeur lui même connaissait le degré de pauvreté de ses pensionnaires et était sûr de faire expier les fautes de chacun de nous par le fouet.

A tour de rôle, chacun de nous entrait au bureau et j’entendais distinctement la voix rauque de ceux qui étaient incapables de supporter la douleur. Je frissonnais quand mon tour vint. C’est ainsi que devant le bureau j’avais demandé que 20 frs soient retranchés de mes 100 frs que j’avais fait consigner à la direction. Le prêtre qui sans doute croyait trouver une occasion de me frapper me regarda perplexe puis se lèva et d’un geste rapide voulait fermer la porte du bureau.

Je bondis à l’extérieur et criai que je préférais payer 20 frs et jamais être maltraité comme un esclave ou un criminel. La cloche de la mission invitant les prêtres au souper sonna et celui-ci rejoignit ses collègues.

Toute la nuit je ne fus pas inquiété et crûs l’affaire close. Lorsque le lendemain je fus convoqué de nouveau, je me rendis compte que le père directeur était encore très fâché.

A peine arrivé devant sa porte il se mit à m’injurier. Il m’injuria tellement que je réagi quand on venait de siffler pour exiger le silence avant d’entrer en classe.

Mon réquisitoire était suivi attentivement par les élèves et surtout par les enseignants, ceux là qui souvent étaient persécutés mais ne réagissaient pas de peur de perdre leur gagne pain. Personnellement je n’avais plus rien à gagner et j’acceptais toute décision qui allait être prise. Je quittai le bureau de moi-même en disant au prêtre que pour deux racines de manioc que j’avais mangées parce que j’avais faim, j’acceptais de payer même 100 frs et jamais le fouet, puis je me dirigeai devant ma classe et entrai sous les regards hagards de mes collègues.

Mais hélas, les occasions de me punir se multipliaient ! Ainsi, chaque dimanche après l’étude de quatorze heures, avant la promenade, nous nous rendions à la chapelle pour l’adoration eucharistique. Le silence parfait était de rigueur.

Un jour alors que nous étions en rang devant la porte de la chapelle, un rire se fit entendre. Le prêtre soupçonna la partie où je me trouvais. Tout fâché, il se mit à poser la question à certains élèves s’ils connaissaient celui qui avait fait le bruit et chacun répondait négativement. Vint mon tour, je répondis aussi par non. Le père me toisa et à moi d’ajouter une phrase, « vous pouvez demander à n’importe qui père’’.

Une gifle s’abattit sur mon visage.

Il en fit autant un autre jour, lorsqu’il m’avait surpris pendant une pluie, assis à une fenêtre du réfectoire alors que cela était interdit.

 

Paragraphe 4 : Les loisirs,

Il s’était introduit cette année, l’habitude d’assister aux projections le dimanche soir. D’ordinaire, le père Boulanger projetait les aventures de Tintin et Milou mais parfois il s’agissait des photos prises en Europe ou en Afrique du Nord. Le père Van Damme faisait arrêter la machine dès que 20 heures sonnaient parce qu’il était temps d’aller au lit.

Quelques fois au lieu des projections, les élèves originaires de Kabalo, Albertville et Baudouin ville présentaient des numéros de danses « jecoke ». Un certain Ambroise surnommé Roi des gestes se faisait remarquer par son agilité et se faisait applaudir à tue-tête par l’assemblée.

 

Chapitre 6 : L’indépendance du Congo Belge,

 

A l’approche du mois de juin, les activités politiques s’étaient multipliées. Des fois, nous manquions des leçons entières parce que notre enseignant nous avait abandonné dans la salle pour se rassembler avec certains de ses collègues en dessous d’un manguier pour écouter un visiteur. De retour en classe, je l’entendais citer avec beaucoup d’estime le nom de Lumumba, ce qui me le fit aussi adopter.

Plus nous nous approchions du trente juin plus aussi les informations se diversifiaient à telle enseigne que notre enseignant avec une mine triste nous informa que Lumumba voulait vendre le Congo et que personne ne pouvait avoir un bien propre, même pas sa propre femme ! Cette assertion irrita plusieurs.

Les élections vinrent avec toutes les passions qui les avaient caractérisées. Peuplé des mineurs en majorité de tribu hemba mais d’ethnies différentes, notre internat avait aussi basculé dans l’ethnicisme.

Le père directeur nous informait avant la bénédiction du soir les grandes lignes des nouvelles politiques journalières. Je souhaitais qu’il parle d’avantage et regagnais mon lit souvent insatisfait.

Un jour il nous informa que sur le plan provincial Kilonda Sylvestre, alias Komombo, était nommé au poste de ministre de l’agriculture. Les élèves Bena Nyembo acclamèrent au risque de casser les tympans fragiles, eux qui jusqu’alors n’entendaient parler que de Nyembo Albert d’une éthnie autre que la leur

En effet, si Albert Nyembo, domicilié à Elisabethville était originaire de Bilila, faisant partie de l’éthnie Wagenya dans le secteur de Munono, proche de Bena Nkuvu, Sylvèstre Kilonda était lui, enseignant à Mbulula et originaire de la chefferie de Bena Nyembo.

Outre l’éthnie Bena Nyembo, sont aussi de la tribu hemba de Kongolo, les éthnies Mambwe, Nkuvu, Yambula, Muhona Kabisha et Muhona Seya. L’hostilité entre éthnies faisait dire par les collègues Bena Nkuvu que les Bena Nyembo buvaient l’huile de palme.

A l’occasion de festivités du 30 juin 1960, Monsieur l’Abbé Amedée Tambwe avait appris aux élèves les chansons, telles que  » Raïa za nchi ya Kongo wa furahiwa uhuru wao, katika inchi ya Kongo », les citoyens du Congo fêtent l’indépendance du Congo.

Le 30 juin 1960, le drapeau congolais bleu avec six étoiles jaunes représentant les six provinces fut hissé devant une tribune érigée dans la cour des jeux des élèves externes.

Pour marquer la liberté acquise, Monsieur Gaston Ngongo, un enseignant de l’école de la mission avait porté un veston et un pagne à la manière de vieux de nos villages, au lieu de mettre un costume à l’européen.

Divers jeux avaient été organisés à la cour des élèves externes. Je participai à la course de fond où je gardai la première place jusqu’à quelques mètres avant la ligne d’arrivée. Trop applaudi, je pensais pouvoir gagner avec beaucoup de facilité lorsque je tournai ma tête pour voir en arrière mes concurrents. Hélas, avant que je ne me remette en position normale, un concurrent m’avait rejoint et quand je voulais accélérer, il était trop tard, car un autre me dépassait aussi, ils avaient touché la corde de la ligne d’arrivée avant moi.

Je me retirais mécontent de moi-même, honteux et très fatigué. Je me couchai sur un banc du réfectoire seul, en attendant mes collègues qui ne me rejoignirent qu’après toutes les festivités.

Après le dîner, je m’étais rendu au bureau du père directeur où un poste de radio mis dehors pour la circonstance diffusait le discours de Lumumba, entrecoupé par les acclamations. Je n’écoutais presque pas le contenu mais seulement le ton de l’orateur, faisait battre mon cœur très fortement et une joie m’avait saisi. C’est très satisfait, que je rentrais rejoindre mes collègues à la fin de ce discours mémorable.

 

Paragraphe 7 : Parti en grandes vacances abord du véhicule conduit par Deo,

Deux jours après les festivités du 30 juin eurent lieu la proclamation et le début des grandes vacances. Je ne rencontrais pas le problème de transport parce que Déogratias, fils de l’enseignant Ignace Katala était prêt de conduire les élèves originaires de Nyembo jusqu’à Mbulula avec le véhicule nouvellement acheté par son père.

D’abord le père directeur comme il ne s’entendait pas avec Déogratias, s’opposa à nous voir prendre ce véhicule prétextant la turbulance et l’excès de vitesse qui pouvaient occasionner facilement un accident. Une délégation de candidats voyageurs convainquit le père directeur de nous laisser partir à bord de ce véhicule.

Deogratias prit la route Sola –Mukoko- Nonge – Mbulula. Il avait conduit sans excès de vitesse. Arrivés à Kayanza, je descendis et rejoignis le toit de mes grands parents. De Mahundu un vélo m’avait été envoyé.

J’écoutais pendant les vacances la radio de l’enseignant Théodose et me familiarisai avec la voix cassante de Lumumba, qui tantôt appelait à l’unité de tous les congolais et tantôt demandait aux belges de quitter le Congo.

Les discours de Lumumba étaient souvent suivis de la panique de la part des blancs. Tout s’empira avec la mutinerie de la force publique au centre d’instruction de Kongolo le 7 juillet 1960 qui avait fait fuir les blancs de Kongolo. En effet, sur la route Kongolo-Mbulula- Nyunzu, plusieurs véhicules occupés par les blancs avaient été de passage à grande vitesse.

Le marché de coton avait été arrêté parce que Monsieur Bonte chargé de la campagne avait pris les larges avec toutes les caisses, il en avait été de même de Monsieur Léon Dufour qui avait abandonné sa concession située près de Mbulula.

A Kongolo, tous les administratifs, militaires et commerçants blancs à l’exception des prêtres et d’un commerçant indien nommé Radjabeli Nathu avaient pris la poudre d’escampette, par véhicule, train ou bateau. Tous les magasins étaient pillés. C’était l’OFELE, on pouvait quitter sa maison ou son village pour aller emporter un article dans un magasin de Kongolo.

Par la voie des ondes, j’avais appris la nouvelle de l’indépendance de la province du Katanga depuis le 11 juillet 1960 et jour après jour, la radio annonçait le temps que venait de durer l’Etat du Katanga. Nous ne tardâmes pas à nous familiariser avec le slogan  » le Katanga vaincra » et les noms des dirigeants katangais tels que Tchombe, Munongo, Kibwe, Kimba.

Avant la fin de ces vacances je me rendis à Luhonga où ma tante maternelle Sylvie Mwange résidait aux côtés de son mari, papa Boneventure Tambwe qui était un moniteur agricole et leurs enfants : Anne, Joseph, Getrude et Marcelline.

 

Paragraphe 8 : L’éclatement de la guerre,

La rentrée scolaire de septembre 1960 avait été retardée suite à des accrochages qui avaient opposés les soldats lumumbistes aux gendarmes katangais encadrés par les mercenaires.

Pour le gouvernement central de Leopoldville, il fallait mettre un terme à la sécession katangaise par la force. Les soldats lumumbistes s’étaient approchés de Sola situé à moins de 10 km de la rivière Luika, frontière naturelle du Territoire de Kongolo se trouvant dans l’Etat du Katanga au territoire de Kabambare dans la province de Kivu.

A notre retour au pensionnat, d’innombrables anecdotes sur l’occupation et la libération de la région de Sola nous avaient été contées. Certains de nos copains avaient ramassés quelques cartouches et douilles témoignant ces premiers événements sanglants, prélude de l’insécurité qui allait élire domicile à cette frontière katangaise.

Après l’écartement de Lumumba du gouvernement central, son arrestation et sa mise à mort, il fut substitué à l’appelation Lumumbistes celle des Gizengistes aux soldats qui attaquaient Kongolo.

Le territoire de Kongolo fidèle à la sécession katangaise était entouré des territoires hostiles tout comme il était peuplé des tribus favorables comme les bahemba et hostiles telles que les Baluba.

En effet, les Baluba étaient en majorité dans le parti Balubakat de Jasson Sendwe ayant fait le cartel avec le MNC/Lumumba, tandis que les bahemba étaient dans l’allibakat de Nyembo Albert qui était allié au Conakat de Moïse Tchombe.

Tantôt les Baluba en provenance de Manono, Nyunzu et Kabalo tentaient à occuper les collectivités hemba par Lengwe ou par Mbila, tantôt ce sont les Basonge ou les Baluba de Kongolo qu’on disait favoriser l’invasion de Kongolo par la route d’Ebombo ou Lubunda. Les Bunguma Laurentio, Ilonda ya Bungu, Lyatompa Mwehu, Kilimani Kasongo furent les premiers victimes hemba à Lengwe, suivis peu après par d’autres, des dizaines, des centaines et mêmes des milliers aux différentes limites du territoire de Kongolo.

Benoît Tambwe l’administrateur du territoire, Kimwanga le commandant des troupes et Makelele le capitaine se créèrent un renom avoisinant celui du mercenaire Tambwe wa Tubonge de son vrai nom Tavernier qui avait dynamité le pont de Kongolo..

 

Chapitre 4 : Ma sixième primaire,

Paragraphe 1er : Inscrit en 6ème B,

J’étais inscrit en 6ème B de l’enseignant Kimwanga Félix alors que la 6ème A était tenue par Monsieur Ladislas.

Mon oncle Cyprien qui avait suspendu ses études après son renvoi de Kasongo venait après avoir enseigné quelques années à Kabalo de terminer ses études normales à Lubunda. Il était affecté à Kongolo, où il devait tenir la 6ème B pendant que l’enseignant Ivon Kabondo donnait cours en 6ème A de la même école « Saint Augustin ». Théophile son petit frère avait quitté Sola pour le rejoindre à Kongolo.

Cette année avait connu le départ de Mulembo Evariste, Makengo Alphonse, Firmin Pitonsi, Augustin Mutindi, Valentin Mugeya et d’autres collègues croyant porter la vocation sacerdotale dont la formation devait commencer au petit séminaire de Lusaka.

Le père Van Damme avait cédé la direction à son prédécesseur le père Martins réputé par sa méchanceté. A cause de l’indépendance du pays, chaque fois qu’il se fâchait il disait  » Ni Uhuru Wenu », c’est votre indépendance.

Je me vis décerner cette année, la charge de capita du groupe pour les travaux manuels, pendant que le chef de l’internat était Tengeneza Kayumba Jean et pour la première fois, un chef d’école congolais, en la personne de l’enseignant Muyumba Léonard avait été nommé.

Les changements ne s’arrêtèrent pas là. Le père Martins avait ouvert un collège auquel il avait donné le nom de Saint Joseph. Une classe de 6ème Latine était opérationnelle. Elle avait comme professeurs, le père directeur et le père Albert Tenis, très réputé dans le vicariat pour l’enseignement des langues.

Il y avait comme premiers collégiens, les Muhiya François, Tubaya Paul, Eustache, Lubinga Narcisse, Calixte Kayembe, Gérard, Raymond, etc…

Me trouvant au sommet de l’école primaire, ma fierté était remarquable. Meilleur de l’école pour la récitation et la lecture, j’étais aussi coureur hors cadre et discuteur talentueux.

La politique élit domicile à l’internat avec la formation des groupuscules éthniques. Tengeneza Kayumba Jean, Pacifique Muzinga, Jean Ngoy, Charles Mulimbiyi et Michel Pungwe conduisaient respectivement les Bena Nyembo, Bena Mambwe, Bena Nkuvu, Bena Yambula et Bena Muhona. Des risques des batailles rangées planaient et un jour seul le représentant des bena Nyembo se battit contre celui de Bena Mambwe.

Ces groupuscules se chargeaient aussi de l’encadrement de ses membres dans tous les domaines. Des remarques ou reproches m’avaient été adressés chaque fois que je ne remplissais pas mes devoirs.

 

Paragraphe 2 : La nouvelle du décès de mon grand père Lumbu Pilipili,

 

Les événements de septembre n’avaient pas permis l’ouverture rapide de l’internat des filles. Deux mois étaient déjà passés lorsqu’un copain m’apprit que deux toutes petites filles venues de Kayanza m’avaient laissé une lettre à la direction.

Je me rendis chercher cette lettre et me réalisai que les porteuses n’étaient autres que mes petites sœurs Marie et Louise.

La lettre contenait une très triste nouvelle m’annonçant le décès depuis le 5 novembre 1960 à 5 heures 25’ de mon grand père paternel Lumbu Pilipili. Les larmes mouillèrent rapidement mes joues, je fus rejoint par Michel Pungwe, un élève de ma classe et originaire de Kahenga dont le papa s’appellait Kayuba.

Le père de Michel était le fils de Musoga la grande sœur de mon grand père. Ma grande tante paternelle Musoga avait été mariée par Munyane à Chala, appelé aussi Masagala ou Kilubi. Mon défunt grand père l’avait suivi la bas et y avait vécu pendant plusieurs années aux côtés de ses neveux Mazuli, Kalunga, Kayuba, Pungwe et sa nièce Anzilani. Michel était donc parenté à moi et nous pleurâmes ensemble.

Mon grand père était mort entouré de ses enfants et ses petits enfants. En effet, les troubles de Lengwe avaient occasionné le départ de Mahundu et de Bigobo de ses fils qui y étaient affectés comme enseignants pour se réfugier avec leurs familles repectives à Kayanza.

Sa fille cadette, Béatrice Pombo était aussi à son chevet. Ayant connu des difficultés dans son ménage, elle vivait en séparation de corps avec son mari Mwalimu Frédéric Katumbwe. Elle n’avait encore qu’un seul enfant, nommé Emmanuel.

De sept enfants à qui mon grand père avait donné la vie ; l’ainée Malamu Mugalu était déjà décédée dix ans auparavant, peu avant sa petite sœur Mangaza Séraphine qui avait succombé des maux de tête, dès son retour de Sola, après y avoir été baptisé et pleurant sa grande sœur sur son chemin de retour à Kayanza.

Le fils aîné Kabamba Marc se trouvait bloqué à cause de troubles de l’indépendance à Malela-lez-Kindu où il était employé au chemin de fer des grands lacs « CFL », pendant que son fils cadet, Sangwa Profil, qui était militaire à Lokando, ne faisait transpirer aucune nouvelle.

Mon père passait pour l’aîné et aux côtés de son petit frère Mwalimu Sixte Ilunga Masaani, il avait écouté les dernières volontés de son papa, lui priant de ne plus être trop sévère, la charge de toute la famille lui revenant, de remettre Béatrice à son mari et constatant qu’il avait déjà sarclé son maïs « le maïs étant ses enfants qu’il avait fini à former ». Il avait enfin souri en disant : « Balenge nabo lusa ulila », les enfants aussi, tristes et en pleurs, avant de pousser le soupir d’adieu !

La nuit suivante, il avait été enterré sous l’arbre « Musheshe », dans sa forêt  » de Mbundu ».

De ses petits fils, Athanase, Raphaêl et moi –même étions absents.

Athanase étudiait au collège Saint Paul à Bukavu, Raphaêl à l’école professionnelle frères d’Ostaker d’Albertville et moi-même à Sola.

Le dimanche je me présentai à la direction de notre école pour remplir les formalités indispensables à me permettre d’entrer à l’internat des filles.

Il était 11 heures 30’ quand dans un barza situé près du réfectoire, ma sœur Sylvie s’avança vers moi accompagnée de Marie et Louise. Nous nous saluâmes chaleureusement puis nous nous mîmes à nous entretenir de notre famille. Sylvie confirma la nouvelle du décès du grand père et malgré les efforts que je fournissais pour me contenir, je finis par sangloter, secondée par Sylvie pendant que Louise souriait.

 

Chapitre 3 : Le voyage à pied en vacances de Noêl,

 

A Noêl nous eûmes cette année les vacances alors que les années antérieures, elles intervenaient au mois de février. Comme mon père n’avait envoyé personne pour venir me prendre, je craignis le voyage à pied et optai pour rester à l’internat comme les élèves en provenance de Kalemie, Moba ou Kabalo.

Urbain Kayombo, fils de l’enseignant Vincent Sabuni et Shabani Sébastien, fils du notable Corneille Abuluti à Mbulula soutinrent mon idée.

Nous restâmes ainsi les seuls Bahemba dans l’internat, ce dont les originaires de Sola avaient commencé à se moquer de nous.

Nous changeâmes notre avis et nous décidâmes de partir le lendemain. Avant de quitter l’internat, nous nous présentâmes chez l’Abbé Tambwe Amedée pour recevoir la bénédiction.

Après avoir parcouru le trajet Sola-Mugimbi, nous étions convaincus que grâce à la bénédiction, la fatigue nous était évitée. De Mugimbi à Nonge nous mîmes énormément du temps à cause du soleil qui était au zenith et la faim qui nous torturait.

Nous étant présentés auprès des enseignants de Nonge et avoir mangé, à pas de tortue nous rejoignîmes Kahenga avant de nous engager sur l’interminable trajet aboutissant à Lubinga.

La route s’imposait par ses rares détours et dans un silence de mort nous avancions pas à pas. D’innombrables dangers nous guettaient mais l’espoir d’atteindre Lubinga d’un moment à un autre nous habitait.

Le soleil touchait à l’horizon quand nous franchissions le pont séparant la collectivité de Bena Nyembo à celle de Bena Muhona mais Lubinga n’était toujours pas à l’horizon. Le découragement nous saisit et la peur de passer la nuit en pleine brousse se lisait à nos visages.

Ayant aperçu les champs de maniocs, l’instinct nous poussa à détecter quelques racines. Nous en mangeâmes amères ou succulentes et eûmes soif sans trouver l’eau pour l’étancher ! Nous nous encourageâmes mutuellement et avançâmes jusqu’à apercevoir la vue du village, mais Urbain qui semblait être le plus jeune s’excusa pour aller se soulager.

Il avait tellement traîné que nous décidâmes de le chercher. Nous le trouvâmes assis calmement. Il se reposait. Cette attitude nous fit éclater de rire malgré la fatigue.

Nous nous remîmes en marche mais n’atteignions toujours pas le village. La fatigue et l’obscurité nous tracassaient et épuisé Urbain tomba.

Nous nous empressâmes à le secourir. Il était épuisé et cela nous poussa à nous reposer tous pendant plus d’une heure avant d’atteindre Lubinga où nous nous dirigeâmes chez Célestin, l’oncle paternel d’Urbain qui nous avait accueillis. Après le souper il nous avait indiqué l’endroit où nous devions passer la nuit.

Dormir en paix dans ce village marécageux non éloigné de la rivière Luvilu n’était pas possible. Toute la nuit durant, les beaux rêves étaient entrecoupés par des douleurs occasionnées par les propagateurs du paludisme.

Nous séjournâmes deux jours durant et laissâmes à Lubinga notre collègue Urbain dont nous croisions près de Kayanza la personne qui avait été envoyé de Mbulula avec un vélo pour le transporter.

Ayant continué à marcher avec Sébastien, je me croisai avec les miens qui vinrent m’accueillir à la cour de l’école de Kayanza. Toute la famille jointe s’y trouvait encore.

Après quelques jours je partis à Kalwamba où je fis connaissance avec Appoline Ndiba, la fiancée de mon oncle Cyprien. Elle était accompagnée de sa petite sœur Josephine.

A la fin des vacances, l’oncle paternel Mumba me raccompagna à Sola.

 

Paragraphe 4 : Le corps enseignant et les élèves de ma classe s’opposent à mon renvoi,

Dès notre retour à l’internat la période décisive avait commencé. Il fallait garder le sérieux le plus complet en classe pour parvenir à obtenir un certificat à la fin de l’année.

Notre classe avait changé de titulaire depuis novembre lorsque l’enseignant Kimwanga Félix avait été nommé Administrateur de territoire assistant de Kongolo. Monsieur Grégoire Kayuya qui nous avait donné cours en 4ème redevint notre enseignant et comme il nous connaissait déjà, il n’eut pas de peine à s’imposer.

Je faillis pourtant me faire renvoyer avant la fin de l’année. En effet, obligés de dormir à 20 heures, je me trouvais cette année dans un vaste dortoir où il était possible au capita de détecter avec précision l’auteur d’un désordre.

Le père directeur dès qu’il nous laissait au dortoir, s’en allait prier avec d’autres prêtres de mission avant de retourner à l’internat. Les têtes dures profitaient de ce moment pour se manifester.

Mon lit était à l’entrée du dortoir et souvent j’étais témoin des gifles que recevaient certains bavards de la main terrible du capita Kayumba Tengeneza Jean.

Comme tous les mardis le père directeur se rendait à Kongolo, il y eut un mardi où il ne nous bénit pas avant de nous rendre aux dortoirs. Beaucoup présumèrent qu’il était parti à Kongolo et même certains saints se mirent à bavarder ou à se tenir à l’extérieur.

Lorsqu’une lumière jaillit du côté des classes tout le monde croyait en regagnant son lit d’avoir affaire au chef de l’école. La silhouette du porteur de la torche s’approcha rapidement du dortoir. Je remarquai qu’il s’agissait du père directeur.

Le lendemain, plusieurs suspects furent convoqués et certains avaient été renvoyés de l’école. Le problème semblait clos lorsqu’un soir je fus convoqué. Il m’avait été demandé de citer les noms de tous ceux que j’avais vu sortir l’autre nuit. Je formulais mes regrets en disant au prêtre que le sommeil m’avait saisi et ne m’avait pas permis de voir quoique ce soit, j’ajoutais que je n’étais pas le capita.

Le père après m’avoir posé quelques questions me laissa partir. Le lendemain matin, je fus de nouveau invité et mon renvoi m’avait été signifié au cas où je ne citai personne. Je ne connaissais personne et acceptais calmement le renvoi malgré les innombrables sacrifices endurés depuis trois ans et demi déjà dans cet internat.

A l’heure d’entrer en classe je rassemblai tous les instruments de travail que je gardais et les remis au père directeur avant d’aller signifier à mes collègues mon renvoi.

En un rien de temps l’internat fut agité. De leur bureau, les enseignants m’appelèrent pour m’informer de l’impossibilité de mon renvoi et qu’au cas où le prêtre persistait, le certificat de fin d’études devait m’être délivré.

Je les remerciai puis les quittai pour aller arranger mes livres en classe et là je trouvai tous les élèves de la 6ème en réunion.

A l’unanimité ils avaient décidé de voir le père directeur pour lui demander de fermer la sixième au cas où coûte que coûte il tenait à mon exclusion. Tout le monde me soutenait et j’étais comblé. Objet d’admiration, chacun m’adressait un mot gentil pour témoigner sa bonne disposition à mon égard.

Lorsqu’après le dîner, le directeur assisté du chef de l’école me convoquèrent, c’était uniquement pour m’annoncer que je pouvais continuer en paix mes études et que c’est plutôt mon dénonciateur Bertin qui allait partir. Ce dernier ne tarda pas à quitter l’internat sous les regards moqueurs des élèves.

Je continuais ma lancée et m’affermis de plus en plus. A la fin de l’année ma moyenne était montée de quatre pour cent. J’avais 71,9 % et occupais la 7ème place sur 22 élèves

C’est sous les applaudissements nourris que j’avais réceptionné mon certificat de fin d’études primaires, numéro 301 du 12 juillet 1961, libellé de la manière suivante :

 

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

CERTIFICAT no 301

Ecole primaire, subsidiée, Régionale de Sola

Je sousigné Muyumba Léonard

Directeur de l’école primaire de garçons à Sola

………………..certifie que Mr Maloba Protais

……………….né à Kayanza, le 22-4-1948

a terminé avec succès les études de la classe de 6ème pri-maire à l’école dont la direction m’est confiée.

 

Sceau de l’école…….Sola, le 12 juillet 1961

Le Directeur LE RECIPIANDAIRE

Signé : Muyumba Maloba Protais

Paragraphe 5 : Transporté par un tracteur de la chefferie des Bena Nyembo,

Dès après la proclamation, je pris place à bord d’un tracteur envoyé pour la circonstance par la chefferie de Bena Nyembo pour ramener les élèves Bena Nyembo à Mbulula. Ayant suivi la route de Sola- Kongolo, le tracteur avait traversé le fleuve en laissant plusieurs occupants dont moi-même à Katala.

L’après midi que la machine revint nous embarquer pour Mbulula. Il était à peu près 16 heures quand Choma Edmond nous ordonna de garder silence. Nous montions la colline de Muyombwe réputée occupée par des esprits maléfiques qui occasionnaient des accidents. Nous ne reprîmes nos conversations que quand nous nous trouvâmes au bas de la colline.

Deposé à Mbulula, je rejoignis Mahundu le lendemain. Ma mère avait un enfant, né depuis le 15/01/1961 à Kayanza. Il était homonyme de mon père LUMBU MALOBA KICHWANYOKA Martin.

Mon père était occupé à chercher des informations sur Athanase. Une soirée, la joie avait été grande lorsque le speaker en Kihemba de la radio Bukavu, Monsieur Norbert Muyumba s’adressant à mon père, lui avait informé qu’Athanase résidait chez lui et s’apprêtait de voyager au Katanga pour les grandes vacances. Athanase quitta effectivement Bukavu pour Albertville via Bujumbura par avion. Nous nous mîmes à son attente, mais avant qu’il n’arrive nous reçûmes Raphaël en provenance d’Albertville..

Athanase arriva un soir et c’est dans une grande allégresse que la famille l’accueillit. Il venait de terminer la poésie et devait rentrer à Bukavu après les vacances en compagnie de Concilia, épouse de Norbert.

Mahundu accueillit aussi ce mois, la tante paternelle Béatrice et son fils Emmanuel, la maman Eulalie et ses enfants Sylivie, Jean pierre, Marc et Albert mais aussi le groupe de Bigobo, composé de Louise, Delphin, Ida, Baudouin et Séraphine !

Presque toute la famille jointe LUMBU PILIPILI s’était retrouvée et à cette occasion mon père fit égorger des chèvres et des poules pour fêter l’événement.

Le photographe Timothée nous prit beaucoup de poses et la phono nous faisait entendre les « Nzibula Ngoma, Marie Kalanda, cha cha cha etc… ».

Athanase assista au combat qui avait opposé papa avec Kaboko Bernard, qui avec son vélo était expressément entré en collision avec lui. Par megarde un coup de pilon avait été assené à la tête de mon père par ma mère. Mwalimu Théodose avait failli tirer avec sa calibre 12 sur l’agresseur n’eut été l’intervention vive de Médard Mugogwa. Mon père avait remis au chef du village le vélo de l’agresseur qu’Athanase avait arraché.

 

Paragraphe 6 : La poursuite des vacances à Kayanza,

Après Mahundu plusieurs membres de famille se rendirent à Kayanza. Athanase partit le premier pour rencontrer Joseph Kilanga, étudiant à l’Université d’Etat à Elisabethville.

Je rejoignis aussi Kayanza à pied en compagnie de Marie, Elisabeth et Eudoxie en longeant la route Mahundu-Bigobo-Mbulula.

Je sympathisai à Kayanza avec Lomoya fils d’Antoine Koni et petit frère de Kiyana, Mwendrobe et Seo mais surtout avec Benezeth fils de papa Felix et Léonard fils de Stéphane, avec lesquels je me rendais au quartier Kilumba sous le clair de la lune pour assister aux danses.

Ayant rencontré parfois de l’hostilité pendant notre promenade, nous empochions les chaînes de vélo pour nous en servir à nous defendre en cas de besoin. L’adversité entre quartiers occasiona le combat entre Désiré Cheko et Selemani Muyombwe, ce qui avait amené Joseph Kilanga à réunir les jeunes de deux camps à qui il prodigua des conseils appropriés ayant abouti à la détente.

Vers la fin du mois de juillet, Athanase nous quitta pour Lubumbashi où Kilanga l’avait invité à continuer ses études au lieu de rentrer à Bukavu.

De Kayanza je partis continuer mes vacances avec Marie et Elizabeth à Kalwamba, chez nos grands parents maternels où très tôt matin, j’accompagnai mes oncles Théophile et Adalbert aux champs. Nous mettions des fourmis sous les nœuds, appelées « malebo » et nous nous cachions pour repasser seulement après la lévée du soleil, pour attrapper beaucoup d’oiseaux nommés « ndonga ». Il m’arrivait de délier tout seul toute une dizaine d’oiseaux.

Mon grand père maternel du clan des Bazila Koni était un grand notable du village Kalwamba. Ce village était dirigé auparavent par Bwana Kakazi, son père, qui l’avait présenté au chef de chefferie Kalamba Simbi afin de travailler en qualité de policier pendant beaucoup d’années. Après le décès de Bwana Kakazi alors qu’il était présenti héritiepr il s’était effacé au profit de son parent Kalenge Muyongameno.

En dehors du clan Bazilakoni, il y a aussi à Kalwamba le clan des Bazi Mbu dont ma grande mère Mazuya Cheusi était membre à Kangunga.

J’avais donc dans ce village des oncles de deux degrés, d’abord par ma mère du clan des bazila koni, ensuite par ma grande mère du clan de bazi mbu. Leurs épouses étant mes belles sœurs, j’étais partout taquiné.

Après Ndiba Kyabusiku Modesta et Mwange Silivie, ma grande mère maternelle avait donné naissance à Abeya Eugénie, Cyprien Muyumba Salumu, Prosper Kitoko Mbayo, Théophile Muteba Muloko, Joséphine Maganga Anzilani et Vumilia. Mon grand père avait une seçonde épouse nommée Mbwese qui avait donné naissance à Adalbert Makuwa.

Après l’indépendance ma famille maternelle avait adopté le nom de leur grand père Sinyembo que devait porter tous ses membres.

A la fin de notre séjour à Kalwamba nous avions regagné Mahundu.

 

Paragraphe 7 : Panique en route au retour de la Messe d’Assomption à Lengwe,

Ayant appris que monsieur l’Abbé Simon Kabezya allait célébrer la messe à Lengwe nous nous décidâmes de rejoindre cette localité.

C ’était la première fois pour moi d’arriver à ce village dans lequel une année seulement venait de s’écouler depuis la bataille qui y avait opposé les hemba aux baluba et pendant laquelle étaient tués les Kilimani Kasongo, Lyatompa Mwehu, Ilonda ya Bungu, Laurentio Bunguma chantés dans les villaes bena nyembo.

Après la messe en regagnant Mahundu, nous poussions le vélo à la montée de la colline de Kanunu lorsque de loin nous voyions une forme blanche qui bougeait sur la route. Alors que nous avancions, elle était toujours là. Paniqués, nous prîmes la direction de Bigobo. C’est dans la soirée que nous passâmes à Mahundu.

Raphaêl qui préparait son retour à Albertville avait quitté un après midi abord du camion d’un commerçant expatrié de passage à Mahundu.

Quelques jours après, je prenais le camion de Moke Mbayo pour rentrer à Sola où cette fois-ci j’allais étudier au collège Saint Joseph.

 

Chapitre 5 : Ma sixieme latin- math.

 

Paragraphe 1er : Le retour à Sola abord du camion de Moke Mbayo,

Papa Sixte nous avait communiqué à Mahundu la date que le camion de Mbayo Moket allait de Bigobo transporter à Sola via Kongolo les élèves.

Ayant passée la nuit à Bigobo. Très tôt à la maison de Mbayo Moket, pêle mêle, nous nous disputâmes de places abord du véhicule qui quitta vers 8 heures du matin.

Oubliant la séparation matinale avec nos parents nous nous mîmes à chanter dans une allégresse juvenile.

Il était quatorze heures lorsque le chauffeur nous avait déchargé à Kongolo à l’endroit même où avent l’indépendance m’avait déposé le bus de Demos Macris qui n’y était plus, ni son propriétaire, remplacé maintenant par son ancien capita vendeur.

La nouvelle du report de la date de la rentrée scolaire au Collège de Sola m’avait été apportée.

Du camion Louise nous dirigea chez son oncle Polydore tout près du marché de la cité Kangoy. Après avoir mangé, je la quittai avec Marie pour le quartier mission où habitait l’oncle Cyprien.

Sur les avenues de Kangoy pleines du monde, les salutations fusaient de partout. Portant nos bagages tantôt sur la tête, tantôt à la main, je ployais sous le poids lorsqu’une maman après nous avoir salué  » kabibi na kabwana yambo » Monsieur et mademoiselle bonjour, demanda très courtoisement à Marie de m’aider « we kabibi si umusaidie kabwana ?  » Toi petite mademoiselle veux-tu bien aider le petit monsieur ?

Lorsque dans le quartier mission nous arrivâmes à un robinet où plusiurs personnes puisaient l’eau, je demandai où se trouvait l’avenue Lumeme, toutes les indications nous avaient été données et les respectant nous découvrîmes la maison de notre oncle.

Il n’y avait à la maison que sa petite sœur Anzilani qui l’aidait aux travaux de ménage. Théophile et Adalbert n’ étaient pas rentrés depuis qu’ils étaient allés accompagner leur grand frère Prosper à la plaine d’aviation nous avait dit notre tante maternelle.

Notre oncle Prosper avait été bloqué au petit séminaire de Mugeri lors de l’accession de notre pays à l’indépendance. Il y avait fait sa syntaxe et c’est avec beaucoup de peine qu’il avait pu se sauver de la province de Kivu pour rejoindre le Katanga. Comme Athanase, il s’était rendu à Elisabethville, pour y aller poursuivre ses études.

Ma tante m’informa aussi que Théophile partait pour Lubunda où il avait été admis à l’école normale.

C’est avec ses petits frères Adalbert et Théophile que l’oncle Cyprien regagna sa maison.

Le lendemain Marie et Louise dont l’école avait ouvert ses portes partirent à Sola pendant que je continuai mon séjour à Kongolo.

 

Paragraphe 2 : Le prolongement de mes vacances à Kongolo,

C’est la deuxième fois que je séjournais à Kongolo, depuis mon passage en 1958.

Ma première cité cosmopolite gardait encore sa grande réputation de l’autre côté du pont avec raison. Malgré les troubles de l’indépendance, des hauts parleurs diffusaient à travers la cité la musique ou les communiqués.

Accompagné de mon oncle Théophile ou Adalbert je me rendais en ville, admirer les kiosques. De fois nous allions visiter les frères  » ndukus’’, tels que l’oncle Tchomba Nestor ou les amis et connaissances.

Je me familiarisai avec Flora et Marie Goretti qui étaient les filles des voisins mais aussi avec Baudouin, Martin dit « léger » et Jean Pierre, futurs collègues au collège Saint Joseph de Sola. Ils habitaient aussi sur l’avenue Lumeme.

Contempler le matin les élèves de l’école primaire qui se rendaient à l’école était ma distraction. Il m’arrivait de me rendre à l’école des filles ou à la célèbre école primaire Saint Augustin.

Oncle Cyprien m’amèna un jour à Santa Maria pour saluer son épouse Appoline que nous n’avions pas trouvés à la maison parce qu’indisposée, elle était chez ses parents.

Théophile avait quitté le premier Kongolo pour Lubunda. Je rejoignis quand à moi Sola dès que la nouvelle de l’ouverture de l’année scolaire au collège me parvint. Adalbert m’y avait accompagné.

 

Paragraphe 3 : Le nom LUMBU se substitue à MALOBA,

Dès le premier jour au collège Saint Joseph, je fis connaître au père directeur la décision de ma famille d’adopter après le décès de mon grand père paternel, le nom de LUMBU. Je m’appelais désormais LUMBU Protais au lieu de Maloba Protais. Le père après m’avoir écouté attentivement et posé quelques questions fut convaincu du bien fondé de la décision de ma famille et informa tous mes collègues de ce changement.

Le changement se constata aussi dans d’autres domaines.

Je menais au collège une vie très différente de celle que j’avais connue à l’école primaire. Le régime alimentaire substitua les boîtes de conserve aux haricots. Les dîners contenaient le dessert.

Au lieu de relier chaque matin l’internat à la rivière en courant nous nous lavions aux anciennes douches de l’école d’apprentissage pégagogique « EAP ».

Le soir, il fallait obligatoirement étudier avant d’ allier au lit à 21 heures au lieu de 20 heures. Des dortoirs spacieux avaient cédé place aux locaux contenant tout au plus six lits avec des matelas moelleux.

Aux cours, plus un mot de swahili n’était prononcé. Des periodes de 50 minutes avaient succédées aux leçons de 30 minutes et un journal de classe devait être tenu. Le père Martins, Directeur du collège nous donnait lui même les cours de latin et de math, qui occupaient d’innombrables heures à notre horaire. Il était secondé par le père Albert Tenis, professeur d’anglais. Ce dernier nous obligeait de prononcer l’anglais comme nous l’entendions sur le disque ! le double V (W) devenait  » dable you », le ‘’a’’ était prononcé « e » et surtout comme il insistait lui-même, il fallait lire élastique là où c’est écrit caoutchouc ! Cela entraînait des hilarités chaque fois qu’un collègue commettait une erreur et le père tout fâché se retirait, cédant sa place au père directeur tellement menaçant qu’il fallait retenir même la toux.

Le père Tenis nous donnait aussi le cours de français. Pour nous apprendre la récitation  » le chêne et le roseau » il employait comme en anglais le disque et nous étions obligés de prononcer autant !

Nous croyions devenus savants et prenions les airs appropriés.

Je m’imposais meneur de classe. Pendant les heures d’études je faisais circuler des bouts de papier avec la phrase, votez Mukumbi Ngwefu, Casse-tête, et vous mangerez quatre fois par jour. Tous mes collègues étaient enthousiasmés par ma campagne mais le père Tenis et le père Directeur ne voulaient pas l’entendre de cette oreille.

 

Paragraphe 4 : Allergique à la quinine,

Un soir j’avais été saisi par un malaise à mon retour de la cité Saint Donat où j’avais amené pour qu’elle soit noircie, ma paire de souliers bruns. En effet, un froid intense me prit et me poussa à me présenter à l’infirmerie. L’examen de la température prouva qu’une forte fièvre m’avait attaqué et quelques comprimés me furent administrés. Quelques instants seulement après les avoir avalés, des fortes démangeaisons m’obligèrent à me gratter et des boutons couvrirent ma peau.

Les collègues qui m’avaient vu, paniquèrent et alertèrent le père Martins qui était aussi effrayé à la vue de ma peau.

Certains prétendirent que cette maladie était la peste, « Mpese ». Me prenant à son dos, le prêtre m’amena au couvent des sœurs.

La sœur infirmière après s’être informée de la manière dont la maladie s’était manifestée nous pria de la suivre au dispensaire. Elle nous assura après une injection que la maladie m’abandonnera aussi vite qu’elle m’avait attaqué. J’avalais quelques pilules avant de rentrer à l’internat.

Réellement, je m’étais rétabli rapidement sous les regards heureux de tous mes collègues.

Lorsque le lendemain on informa nos amis de l’école primaire de ce qui s’était passé la nuit, beaucoup ne crurent pas. Plus tard, je sus qu’il s’agissait d’une allérgie, que j’étais allérgique à la quinine, flavoquine, et autres … ines.

Un de mes amis le plus remarquable de l’école primaire était Mbayo Donat, un originaire de Mahundu, fils de mon parrain de baptême, Mwalimu Andre Mbayo Faluzi, longtemps enseignant à Nzola. C’est au cours des grandes vacances que j’avais fais connaissance avec Donat à Mahundu.

Pendant les heures creuses de la soirée nous nous rencontrions et nous entretenions longuement. Parfois lorsque les exigences de notre vie scolaire nous empêchaient de nous rencontrer la correspondance y apportait le remède.

Les dimanches, je visitais à l’internat des filles, mes petites sœurs Marie et Louise, souvent accompagnées de leurs copines de Bigobo.

Une école ménagère venait aussi d’y ouvrir ses portes et avait reçu comme internes les Marie Katumbwe, Constantia, Géneviève etc….

 

Paragraphe 5 : Mon congé de detente à Kongolo,

Pendant le congé de détente qui nous avait été accordé à la toussaint, le père Directeur nous permit de nous déplacer. Je fis partie du cortège de Kongolo qui quitta à pied l’internat après le dîner.

Au delà de Mukoko le groupe se désintégra et les pieds endoloris, j’avançais péniblement. C’est à la tombée du jour que j’atteignis le pont en compagnie de quelques copains dont Dieudonné Biyombo ancien élève de mon oncle qui me conduisit à la maison.

Une fois de plus je n’avais pas trouvé l’épouse de mon oncle à la maison et ne tardai pas à la rencontrer le lendemain chez ses parents dès après la messe de la Toussaint. Elle venait de mettre au monde une fille qui avait reçu le prénom de Bernadette et le nom de NDIBA.

Ndiba ya Mugabo était le nom de l’épouse du chef Kalwamba Bwana Kakazi qui était tuteur de mon grand père maternel Musongela. Ce dernier avait donné à sa fille ainée qu’était ma mère aussi ce nom de Ndiba, tandis qu’à sa seçonde fille, il avait donné le nom de sa mère biologique Mwange.

Le lendemain, à l’occasion de la fête des morts, je me rendis au cimetière des congolais où j’assistais à toutes les prières et cérémonies.

Durant ce congé, j’effectuais mes déplacements en compagnie de l’oncle Adalbert Makuwa avec lequel soit on partait cueillir les mangues vers le camp militaire soit on allait prendre bain au fleuve.

Je remarquai que Kongolo en peu de temps avait subi des profonds changements suite à la guerre civile Baluba contre Bahemba. Plusieurs Baluba mais aussi des Basonge et autres avaient abandonné la ville devenue intolérente.

Un soir, je vis des camions bondés des combattants appelés  » la jeunesse » qui circulaient sur les avenues. Il s’agissait en effet des civils qui étaient mobilisés pour aller se battre à Mbila où la progression des Baluba hostiles à la sécession était signalée. Ceux-ci juraient d’occuper au matin tout Kongolo.

La situation qui avait prévalu cette nuit agitée nous avait été contée le lendemain.

Il y avait en effet, devant le bureau du territoire une jambe, un bras, un balai et un bocal d’une femme muluba, qui disait-on , en plongeant dans ce bocal, le balai qu’elle agitait en criant  » Ii mema », c’est l’eau, la defunte changeait les balles en eau.

et effectivement les Baluba avançaient jusqu’au moment où un Muhemba se déshabilla, fit quelques cérémonies et visa cette femme qui tombant à la renverse, provoqua la debandade de siens.

Kongolo avait évité ainsi de justesse sa chute. On chantait partout les hymnes de victoire.

 

Paragraphe 6 : La fermeture de l’internat,

Après le congé de détente, je rentrais à Sola reprendre mes études mais ce ne fut plus pour longtemps. Les événements se multipliaient et toutes les tentatives d’investir Kongolo par les forces hostiles à la sécession du Katanga s’accentuaient. Kongolo était devenu un territoire enclavé et attaqué de tous les côtés.

Les baluba voulaient investir la partie hemba en suivant les axes Kabeya Mayi-Lengwe ou Kabalo- Kitule. L’armée révolutionnaire congolaise en provenance de Kisangani dont les soldats étaient appelés les gizengistes forçait l’entrée à Kongolo par Ebombo et Luika.

A certains moments notre internat hébergeait les soldats katangais encadrés par les mercenaires. Je connus ainsi des canons, mitrailleuses, mortiers, fall ou fusil Fm. Des hélicoptères ou des avions de reconnaissance katangais survolaient l’internat. Certains mercenaires nous assuraient la victoire du Katanga. De Moulin et Michel, passèrent pour les plus populaires. Ils nous distribuaient des biscuits, des boîtes de conserve et de l’argent.

Des accidents étaient réguliers lors de l’entretien des armes car souvent on entendait le crépitement d’armes et les cris des soldats blessés, qu’on transportait d’urgence vers Kongolo et Elisabethville. Un élève malade à l’internat avait eu la chance d’être amené à l’hôpital général d’Elisabethville où les soins avaient été supportés entièrement par l’Etat.

Nous eûmes aussi pendant cette période deux congés à l’occasion du décès des ministres katangais, Luc Samalenge et Joseph Kiwele.

Les soldats katangais quittèrent enfin l’intenat pour rentrer à Kongolo où des incursions étaient signalées.

Le 27 novembre 1961, un mercredi, nous fûmes priés d’évacuer l’internat pour nous abriter à Kilubi. On nous assura que dès que l’ennemi allait être repoussé nous allions regagner l’internat que nous avions quitté simplement pour éviter la chute des obus eventuels.

Sans nos bagages nous restâmes ce jour à Kilubi, chef lieu de la collectivité de nkuvu d’où nous entendions les grondements des armes lourdes toute la matinée. A un moment une jeep passa à toute allure vers Kongolo amener un cadavre ou un blessé.

C’est tard dans la soirée qu’on nous permit de regagner l’internat. Nous crûmes que le combat était terminé à l’avantage des katangais et que l’ennemi était mis en déroute mais hélas le lendemain le combat reprit. Les sœurs évacuèrent les filles de l’internat.

Mes petites sœurs s’en étaient allées sans me dire au revoir.

Le lendemain, nous autres nous commencions à voir des habitants des villages environnants de la rivière Lwika venir se replier à la mission. Le danger était imminent. Le père directeur nous demanda de quitter l’internat et chacun cette fois-ci avec ses bagages, pour n’y revenir que quand la situation se rétablirait complètement.

Nous étions le 30 novembre 1961, aucun vélo, ni véhicule n’était à notre disposition. J’abandonnai sous mon lit, panier et quelques assiettes trouvées encombrantes et valise sur la tête je m’engageais à parcourir à pied une soixantaine de kilomètres.

Comme il fallait vite s’éloigner de la zone de combat, nous marchâmes avec mes collègues à pas de course jusqu’au delà du village Kalenga où un collègue poussé sans doute par son instinct, tournant vers Sola et admirant la tour de l’église s’écria,  » Adieu Sola ». ça n’était fini du collège Saint Joseph et de l’école primaire Saint Charles Lwanga.

A l’ approche de Nonge, il pleuvinait et pendant que sous la fine pluie matinale d’aucuns avaient jugé bon de continuer la marche, d’autres s’étaient abrités dans les cases longeant la route. En compagnie d’Arcade Ngoy je voulais aussi continuer et fis une chute qui provoqua une sérieuse hilarité.

A l’allure des guerriers, dans l’après midi, la chefferie de Nyembo nous avait accueilli. C’est seulement à partir de Lubinga que la distance séparant des groupes s’aggrava et que la fatigue d’une longue marche s’extériorisa à nos visages. Mon groupe atteignit le village Zimba vers 17 heures et Kayanza à 21 heures.

Maman Eulalie, ma grande tante Fatayako et la veuve Abamutake Kibata héritée par le grand père Lukonzola ainsi que la grande mère Sinanduku, épouse de Papa Lukonzola et leurs enfants Mumba, Lumbu et Sidonia m’accueillirent.

 

Paragraphe 7 : La chute de Kongolo et le massacre des prêtres blancs du Saint Esprit,

Je ne tardai pas à Kayanza à rejoindre ma famille nucléaire à Mahundu où nous fêtâmes Noël. La veille du nouvel an, on nous apprit que les baluba venant de Kitengetenge passeraient par Ponda pour attaquer Mahundu et rejoindre Kongolo via Mbulula.

Nous devions quitter notre maison car le sentier en provenance du village Kitengetenge via Ponda débouchait par là. Un dilemne préoccupa mon père : Fuir et laisser les objets dans la maison pour apprendre après que tout a été brûlé ou bien cacher en brousse les objets qui seraient volés par un villageois.

Nous étions dans la maison lorsque quelqu’un toqua à la porte. Nous crûmes que les Baluba venaient d’arriver mais s’était plutôt le commerçant Medard qui s’était annonçé. Il supplia papa de quitter la maison au lieu de s’exposer avec toute la famille.

Maman était malade et fournit malgré elle d’énormes efforts pour emballer certaines bagages. Heureusement quelqu’un vint nous rassurer que l’invasion n’aurait pas lieu ce jour car du village Ponda d’où il venait tout était calme.

Dès le soir du nouvel an les bruits persistants se mirent à affirmer que Kongolo était tombée dans les mains des troupes gizengistes en provenance de Stanleyville, conduites par le colonel Pakasa, que les prêtres blancs de Saint Esprit étaient tués et que dans son repli, l’armée katangaise avait dynamité le pont de Lualaba avant de se réfugier avec les autorités du territoire à Mbulula.

Les prêtres blancs n’avaient pas été autorisés par Monseigneur Gérard Kabwe de quitter Kongolo malgré les démarches entreprises par l’administrateur du territoire, Monsieur Bénoît Tambwe pour les persuader de le faire.

Les noms de ces martyrs sont : Père Crauwels Gaston, Père Crauwels Louis, Père De Hert Josef, Père Francis Pierre, Père Gilles Pierre, Père Gillijns Walter, Père Godefroid Jean Marie, Père Henckels Albert, Père Hens Josef, Père TJacckens Roger, Père Lenselaer Jean-Baptist, Père Pellens Désiré, Père Postelmans Joseph, Père Renard Raphaël, Père Schildermans Theo, Père Tournay René, Père Van Damme José, Père Van der Smissen André, Père Van Duffel Michel, Br Heeemskerk Bernulf.

Mbulula devint le chef lieu du territoire. Le père Joseph Deagre de Sola qui s’y trouvait, aida les autorités à entrer en contact avec Elisabetville en reparant la phonie. Un grand marché fut crée mais surtout la population avait été appelée à défricher un vaste terrain devenu une plaine d’aviation. Les avions d’air katanga commencèrent à s’y poser amenant des renforts.

Le président Tchombé qui allait fouler le sol de Mbulula ne le fit pas alors que toute la population hemba s’y était donné rendez-vous, même le géant Mwamba gwa Lufimbo.

Les cours ayant repris à Mahundu, mes petites sœurs se remirent à aller à l’école pendant que nous trouvant dans les vacances forcées, avec Marie nous allions aux champs aider notre maman aux travaux de sarclage ou de récolte. Nous nous reveillions tôt le matin et longions des sentiers couverts de rosée. Nous nous occupions aussi du cadet de notre famille, âgé déjà de presqu’une année.

Il m’arrivait de me rendre à Mbulula pour diverses raisons dont la dernière avait été celle de chercher la feuille de route qui me permettrait de regagner Elisabethville.

En effet, les forces katangaises venaient de reprendre Kongolo mais les autorités du territoire avaient continué à résider à Mbulula. Toutes les pièces nécessaires y étaient encore délivrées. Plusieurs élèves obtinrent leur feuille de route à Mbulula quioque devant prendre leur avion à Kongolo.

J’avais tenté de faire autant mais hélas à la fin du mois d’avril le bureau de Mbulula perdit cette competence. Je fus obligé de me rendre à Kongolo.